Les pratiques corporelles modernes des jeunes citadins constituent un sujet de recherche passionnant tant elles révèlent le dynamisme des sociabilités juvéniles et la diversité des pratiques culturelles qui les sous-tendent 1 . Ainsi, le hip-hop, les graffitis, le roller, le parkour et le skate, parmi d´autres pratiques influencées par la culture nord-américaine, émergent dans les années 1980 en Argentine et, à contrepied d'une avant-garde artistique, elles deviennent des pratiques très visibles. Elles retiennent l'attention des autres acteurs, suscitant curiosité, incompréhension, crainte ou encore agacement. L'ambition de cette recherche est d'observer, décrire et questionner l'influence de la pratique du skate sur les relations sociales en tentant de dépasser les présupposés.Notre article prend comme point de départ une recherche faite dans la ville de La Plata, en Argentine. Il se donne pour objectif de décrire et analyser les usages que les jeunes skateurs font des espaces urbains. Cette recherche, à caractère socioanthropologique, nous a permis -à partir des entretiens et des observations -de distinguer certaines caractéristiques propres à l'activité et de déceler les logiques d'appropriation de l'espace de la pratique du skateboard de rue, en particulier les tensions produites avec d'autres citoyens et diverses institutions publiques. Les rapports entre les formes de l'espace et les pratiques sociales, étudiées ici, génèrent une tension constitutive de la ville comme espace vécu (Frémont, 1976;Gorelik, 1998;Segura, 2011).Dans leur étude ethnographique, Claire Calogirou et Marc Touché (1995) définissent le skate non seulement comme un sport de « glisse » ou « de roues », mais aussi comme un « acte d'occupation des espaces publics » qui, précisent-ils, peut s'avérer problématique. En 1996, dans sa thèse de doctorat intitulée « ethnographie d'une pratique ludique urbaine : le skateboard sur la place Vauquelin à Montréal », Olivier Pégard ne dit