Qu’est-ce qu’un « métier de femme » ? Cet article permet d’enrichir la réponse féministe à cette question à partir d’un angle négligé de l’approche du sale boulot d’Everett Hughes, celui concernant les rôles dans la division morale du travail. À partir de trois enquêtes, l’une sur les aides à domicile, la deuxième sur les aides-soignantes et infirmières en pédiatrie et la troisième sur les secrétaires hospitalières, il montre qu’un « métier de femme » se définit moins par la licence spécifique de faire certaines tâches que par le fait de faire ce qu’il reste à faire. Si les femmes peuvent vivre cette délégation positivement lorsqu’il s’agit d’endosser de « bons rôles », cela est moins vrai lorsqu’elles doivent se salir les mains pour les autres. Elles assument en effet de « mauvais rôles » en déchargeant les catégories supérieures des tâches peu morales et voire immorales. Cet article contribue à saisir les liens entre division sexuelle des rôles et construction des positions de pouvoir et de prestige.
Résumé Les aides à domicile pour personnes âgées cumulent sur le marché du travail un certain nombre de handicaps. Elles apparaissent ainsi comme une population à faibles ressources pour l’action collective. Pourtant, au cours d’une enquête de terrain, nous avons assisté à la mobilisation collective d’aides à domicile contre le système de pointage téléphonique mis en place par leur direction. Nous entendons montrer ici que c’est notre connaissance approfondie de l’expérience laborieuse de ces femmes qui a rendu possible la mise au jour de ce conflit, de sa forme spécifique mais aussi de ses ressorts. En effet, tout d’abord, ces salariées s’efforcent de ne pas s’exposer au cours de leurs pratiques protestataires. Ensuite, leurs ressources sont collectives et indissociables des contextes professionnels dans lesquels elles sont mises en œuvre : c’est à l’occasion de leur travail que ces femmes mobilisent des ressources professionnelles et locales pour l’action collective.
scite is a Brooklyn-based organization that helps researchers better discover and understand research articles through Smart Citations–citations that display the context of the citation and describe whether the article provides supporting or contrasting evidence. scite is used by students and researchers from around the world and is funded in part by the National Science Foundation and the National Institute on Drug Abuse of the National Institutes of Health.