Le mot « neblí » désignant un oiseau de vol est attesté dans le lexique et dans l’usage castillans à partir duXIIIe siècle au moins. Il est également attesté, avec le même sens, et sous les formes « nebli », « nubli », « nibli », « lubli », « libli », « labli », en arabe occidental jusqu’au XXe siècle. Dans cet article, après une série de considérations préliminaires sur la méthodologie de l’étude des arabismes, sur les dénominations populaires et les classifications médiévales, en Orient et en Occident, des oiseaux de vol ainsi que sur la délicate question de leur identification scientifique, j’ai recueilli, dans le cadre d’une étude lexicographique, les nombreuses hypothèses émises depuis leXIVe siècle jusqu’à nos jours par les lexicographes castillans ou par les arabistes, ainsi que par les spécialistes en fauconnerie, sur l’étymologie – romane ou arabe – de ce mot; puis j’ai soumis ces hypothèses à un examen critique, fondé sur des critères linguistiques et extralinguistiques (principalement la documentation cynégétique). Au terme de ce travail, je considère qu’aucune certitude ne peut être définitivement acquise quant à l’origine du mot « neblí », qui renvoie virtuellement à ces deux langues, castillan et arabe occidental, qui le conservent aujourd’hui, et qui ont prospéré ensemble, à une période antérieure de leur histoire, en al-Andalus. À ce titre, ce vocable est comme le symbole d’un syncrétisme linguistique et culturel. Sur un autre plan, un tel vocable met en lumière de façon saisissante la richesse et la force des relations entre les composantes du signe (signifiantsignifié-référent), ainsi que leur circularité, et souligne la part de la représentation dans les processus de dénomination de la réalité extralinguistique, et d’interprétation de ces dénominations.