Dans cet article, je reprends la façon dont les stratégies collectives de défense contre la souffrance au travail sont présentées dans Travail, usure mentale , puis dans Souffrance en France. Je m’appuie sur ces descriptions princeps pour tracer la ligne de démarcation entre stratégies collectives de défense et idéologies collectives de défense. Et je me sers de cette distinction pour mettre en avant la spécificité des idéologies défensives, ce qui me permet d’argumenter la thèse centrale de ce texte : je propose de mettre en rapport idéologies défensives et souffrance éthique. Bien que la découverte des idéologies défensives soit antérieure à celle de la souffrance éthique, il me semble que la notion de souffrance éthique permet d’éclairer la question des idéologies défensives d’un nouveau jour.

En déstructurant la coopération, l’organisation gestionnaire du travail a produit une transformation des formes de souffrance au travail. L’évolution de ces formes de souffrance s’est accompagnée d’une transformation des stratégies défensives. Dans cet article, nous analyserons deux formes spécifiques de défenses : la stratégie individuelle de défense par la défection et les idéologies défensives. Nous mettrons en lien ces modalités de défense contre la souffrance au travail et l’évolution des comportements politiques de nos concitoyens, en montrant que la dégradation du rapport au travail joue un rôle de premier plan dans la montée des comportements et des politiques autoritaires.