En voyageant dans le temps et dans l’espace, en passant de la pierre au livre, tout en conservant toujours des liens avec ses origines lapidaires, l’épigramme — un petit poème inscrit qui devient, au fil du temps, un genre littéraire — est venue se placer au croisement entre l’épigraphie, l’archéologie, la littérature et l’histoire. C’est au carrefour de ces disciplines que cet ouvrage se propose de photographier son objet, « dans tous ses états », toutes ses formes et manifestations.
Les contributions de quinze spécialistes de la recherche sur l’épigramme gréco-latine, parmi les plus réputés au niveau international, réunis à Lyon en 2010, sont rassemblées dans une publication qui explore l’épigramme gréco-latine de l’époque archaïque jusqu’à l’Antiquité tardive par une approche interdisciplinaire, conforme à sa nature multilingue et multiforme.
Par cet article nous souhaitons examiner, à travers le cas particulier de Lysippe, le processus d’élaboration de la notion de filiation artistique dans la critique d’art ancienne. Il s’agira notamment de voir comment les théoriciens du début de l’époque hellénistique ont envisagé les rapports d’imitation entre Lysippe et ses disciples, ainsi que les phénomènes de continuité ou de discontinuité stylistique entre le maître et ses successeurs. Le point de départ de cette étude est la première épigramme du cycle des andriantopoiika de Posidippe, dont nous souhaitons mettre en évidence les liens avec des théories probablement exposées dans les traités contemporains de Douris de Samos et de Xénocrate d’Athènes. Cette épigramme mentionne trois artistes « anciens » (peut-être trois générations d’artistes : maître, disciple et Enkelschüler) dont les œuvres sont caractérisées comme « rigides » et opposées à celles des nouveaux artistes qui suivent les préceptes de Lysippe, un artiste qui passait, selon certaines anecdotes, pour n’avoir été formé par aucun maître, mais par la nature elle-même. Les autres épigrammes que Posidippe consacre aux bronziers montrent que les principes de Lysippe ont pu inspirer des œuvres aussi différentes que le portrait très précis du vieux poète Philitas par le bronzier Hécataios ou la représentation auguste et colossale du dieu Hélios par Charès de Lindos. Un passage plinien lui aussi inspiré de ces premiers traités d’histoire de l’art, la description des qualités stylistiques de l’œuvre d’Euthycrate, disciple de Lysippe, fait état d’une conception de la transmission de l’enseignement artistique, des qualités stylistiques et du savoir technique entre le maître et son disciple qui rejoint les présupposés théoriques de Posidippe. Le vocabulaire stylistique employé dans ce passage de Pline nous permet de deviner la complexité de l’appareil théorique élaboré, au début de l’époque hellénistique, par Xénocrate et Douris.
Helly. Nous tenons à exprimer également notre reconnaissance à Philippe Hoffmann, directeur de la Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes, et aux membres du Comité éditorial, qui ont accepté de publier notre dossier, ainsi qu'aux relecteurs de la revue, dont les nombreuses observations et corrections ont amélioré les contributions.
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