L’arrêté no 117-PR-MEFEPEPN, artefact de la planification moderne, répond à la double exigence de l’industrialisation et du bien-être environnemental. Cette dernière est manifestement une préoccupation plus récente que la première, un recalibrage tardif du bien-être social et de la volonté de préservation du milieu ; elle intervient sur des normes de production, les types de savoir-faire engagés, les outils de connaissance, entre autres, et recalibre l’exploitation depuis un siècle des forêts gabonaises, mesure que de nouvelles esp ces, de nouvelles méthodes, de nouveaux marchés sont explorés. Une telle intervention passe par des mécanismes juridiques et politiques : des votes sont mis et une loi est votée. Un rêve technocratique, aurait-on pu penser, dans lequel un plan rationalisé de gestion et d’exploitation durable des forêts, l’écologie, le capitalisme, la science et la bureaucratie, sont harmonisés par un discours raisonné. Rêvez ! Étienne Bourel souligne que la loi établit la taille minimale en dessous de laquelle un arbre ne peut être coup – ainsi que les tailles au-dessus desquelles il est considéré comme un monument. Outre ces données, il y a aussi le diamètre régulier de fructification assurant une exploitation durable, dont on aurait pu penser qu’il faudrait le calculer par rapport au diamètre minimal exploitable, pour chaque arbre. Au lieu de cela, une série d’autres calculs est utilisée, fonctionnant par volume de forêt plutôt que d’exiger l’observation et l’intervention de chacun : Omnes et singulatim, cela n’est pas. Le travail iconographique de Joséphine Herbelin montre comment ces décrets agissent concrètement sur les arbres, les « encadrent » ; il met en évidence la logique et la pathologique du cadre. Dans ces jeux de normes, chaque acteur morcelle la forêt en ne voyant et régulant que ce qui l’intéresse. La mosaïque de morceaux collectés constitue un ensemble étrange et familier, fait de prélèvements et de vides. C’est un jeu d’empreintes, qui laisse une trace, de façon sombre et saisissante, sur plusieurs registres de cette scène : l’arbre singulier, la grille, la coupe, une extraction de tranches, organisés par la main du marché, ou était-ce la main de l’État ?EMMANUEL GRIMAUD & ANTHONY STAVRIANAKIS