L’autrice part du concept d’« orientalisme » tel qu’il a été élaboré par Edward Saïd pour montrer que ce processus « d’altérisation » mené par l’Occident doit être mis en parallèle avec un processus symétrique, mené par les pays arabo-musulmans et qu’elle nomme « Occidentalisme ». En effet, chacun de ces grands ensembles politiques se sert du principe du respect des femmes pour plaider sa supériorité culturelle par rapport à l’autre. Dans les deux configurations, ce principe vise par ailleurs d’autres finalités : celle de convaincre « ses propres » femmes des avantages que leur octroie le système d’oppression dans lequel elles se trouvent insérées. Dans le cas de l’Occident, le crédit accordé à sa « position de supériorité » est encore renforcé par l’idéologie du progrès par le développement, un discours qui présuppose que la situation des femmes ne peut que s’améliorer avec l’avancement techno-économique d’une société.
Le titre de cet article est tiré de la réplique de Christine Delphy à ses critiques marxistes, formulée à une époque où les inégalités sociales étaient la préoccupation centrale de la théorie féministe. Depuis, nous avons été témoins de ce qu’on appelle le « tournant culturel », qui a eu pour effet la marginalisation des perspectives centrées sur les structures sociales ainsi que sur les relations et les pratiques sociales. Cependant, toutes les féministes n’ont pas emboîté le pas, et récemment, des indices sont apparus d’une reviviscence du féminisme matérialiste. En évaluant les effets de ces changements théoriques et en affirmant la persistante pertinence du féminisme matérialiste, je me concentre ici sur l’analyse du genre et de la sexualité. À ce propos, je soutiens qu’une approche matérialiste sociologiquement informée offre davantage de ressources au féminisme que les perspectives postmodernes et queer plus orientées vers le point de vue culturel.
L’article examine des cas de mariages d’adolescentes aux États-Unis, les uns consentis, les autres contraints, et montre comment la perception de la « mauvaise conduite » dépend de l’identité de l’agent. Un comportement dérangeant sera le plus souvent attribué à une déviance individuelle lorsque les agents sont des Américain·e·s blanc·he·s, tandis que dans le cas d’immigrant·e·s de couleur, leur comportement sera compris comme caractéristique de la culture d’origine tout entière. L’autrice considère qu’il en résulte une perception exagérée de la différence ethnique, qui assimile cette différence à une différence morale du côté des immigrant·e·s, ce qui a conduit au débat entre féminisme et multiculturalisme. Extraterritorialiser un comportement problématique en le projetant au-delà des frontières des valeurs américaines a pour effet à la fois d’identifier les cultures immigrantes racialisées à la subordination de sexe, et de dénier la réalité d’une telle subordination dans l’Amérique blanche, où pourtant elle règne largement.
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