Dans cette contribution, nous souhaitons proposer une analyse de l'écrit professionnel en termes de routines discursives, phénomène que nous situons à l'articulation entre des déterminations discursives, des phénomènes de figement et le processus rédactionnel. Sur le plan méthodologique, cela passe par l'exploitation de figements de niveau textuel et par la mise au jour d'enchaînements phraséologiques de niveau sémantico-pragmatique articulant plusieurs segments figés ou patterns. Ce faisant, nous montrerons ce que l'étude de la phraséologie peut apporter à l'analyse de discours dans la caractérisation des genres et des sphères d'activité, en donnant une assise matérielle et un contenu notionnel à la catégorie de « routines » souvent invoquée pour caractériser un discours ou un genre (Charaudeau 2001, Maingueneau 2004, Krieg-Planque 2008, etc.). Cette communication s'inscrit dans le projet ANR Ecriture (Resp. G. Cislaru) et porte sur des rapports éducatifs rédigés par des éducateurs spécialisés dans le champ de la protection de l'enfance. L'un des objectifs de ce projet est l'étude du processus d'écriture via un corpus offrant un triple regard sur les données : états finaux des textes, suivi des modifications dans les états successifs et suivi des modifications en temps réel. Les explorations textométriques développées ici sont menées sur le seul corpus des états finaux (voir Née, MacMurray et Fleury 2012). Pour décrire ces écrits, nous ne pouvions nous limiter à la recension de collocations spécialisées (famille d'accueil, poser un acte, pour exécuter un acte), entrée trop restreinte à nos yeux qui ne permet pas de prendre en compte les enjeux pragmatiques de ces textes, en relation avec le genre dont ils relèvent. Nous avons tenté de saisir d'autres types de figements, plus longs, plus diversifiés, en prenant appui sur des travaux qui mettent en avant le rattachement de séquences plus ou moins figées à des déterminations d'ordre supérieur, à savoir le discours d'une part et le texte d'autre part. Pour les déterminations discursives, nous nous référons à la fois aux travaux du laboratoire de lexicologie politique de Saint-Cloud sur les Congrès syndicaux (Fiala 1987, Fiala et alii 1987) et aux travaux de Sonia Branca-Rosoff (1990 et 1997) sur les écrits des peu lettrés. Pour les déterminations textuelles, nous faisons référence à la catégorie du motif développée par Longrée, Luong et Mellet 2008, Longrée et Mellet 2013. Ce faisant, nous nous inscrivons dans les propositions d'extension du domaine de la phraséologie de la langue au discours présentées par Dominique Legallois et Agnès Tutin dans Langages 189 (2013). Parallèlement, nous nous sommes inspirées des travaux de la linguistique de corpus britannique qui développe des notions permettant d'articuler phraséologie locale et visée pragmatique globale (Sinclair 2004). Ce type de questionnement n'est pas étranger à l'analyse de discours qui, dans ses débuts en tout cas, considère que la répétition permet de dégager le sens d'un discours (Maingueneau (1991 : 77) ...