L’argument de cet article repose à la fois sur un constat et un paradoxe. Le constat est que, en Épire, le terme miroloï est employé pour désigner deux formes de lamentations relevant de contextes bien différents. L’une est vocale, chantée par des pleureuses lors des rituels funéraires ou hors rituel lorsqu’elles se rendent quotidiennement au cimetière ou qu’elles pleurent dans l’intimité de leur maison. L’autre est instrumentale, jouée par des musiciens tsiganes lors des fêtes patronales. Le paradoxe repose sur le fait que les acteurs de ces miroloyia tiennent à leur sujet des discours contradictoires. D’un côté, ils affirment que ces lamentations n’ont « aucun rapport » entre elles, de l’autre à la faveur de discussions d’ordre technique, ils établissent un lien entre les deux. Suivant les termes du paradoxe, cet article rend compte de ce qui différencie ces lamentations, puis analyse la nature du rapprochement esquissé par les pleureuses et les musiciens avant que d’interroger les raisons de ces propos contradictoires.
RésuméEn Épire, le termemiroloyiadésigne deux types de lamentations appartenant à des contextes très différents. Les premières sont le fait des femmes qui se lamentent lors des rituels funéraires ou au quotidien en cachette des hommes, les secondes sont jouées par des musiciens tsiganes dans les fêtes patronales. L’article s’interroge sur l’articulation entre ces deux formes demiroloyiaet met en évidence le rôle différencié des femmes et des hommes face à la mort. Si les femmes gèrent la mort alors qu’elle vient de surgir et s’adressent directement aux défunts, les hommes sont alors très en retrait. En revanche, c’est à l’occasion des fêtes patronales que les hommes pleurent leurs morts. Ils ne s’adressent pas directement à eux mais passent par un intermédiaire, le clarinettiste tsigane, à qui ils confient la gestion de leurs émotions.
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