À travers l’étude de la régulation des inégalités d’accès aux soins, nous cherchons à montrer que les démarches de territorialisation de l’action publique actuellement en vigueur dans le secteur de la santé renvoient à une dialectique connue des sciences politiques : comment garantir simultanément l’universalité, la cohérence et la pertinence d’une action des pouvoirs publics ? Dans un questionnement cherchant à dépasser cette dialectique à travers une nouvelle définition du concept de territoire en santé, il apparait que la proximité territoriale ne garantit pas la pertinence d’une action publique du fait de la structuration actuelle du système de santé. Le territoire en santé est alors appréhendé comme un espace d’identification de problèmes publics, générateur de contraintes pour l’élaboration d’un dispositif d’intéressement et le cas échéant, un « objet » clef dans la mobilisation des acteurs. D’un point de vue méthodologique, notre recherche s’appuie sur une recherche-intervention effectuée dans une Agence Régionale de Santé (ARS) pendant deux ans.

Cet article tire les enseignements d’un projet de recherche-intervention réalisé, à l’initiative de l’Agence Régionale de Santé de Corse, dans le but d’apporter une réponse aux contraintes posées par l’accès aux soins de réadaptation cardiaque pour les patients habitant au sein de territoires ruraux. Il reviendra plus particulièrement sur les apports de la recherche-intervention comme méthodologie de transformation des connaissances et des relations nécessaires au développement d’un mode d’organisation innovant.

Il est identifié des dynamiques paradoxales issues du territoire d’action d’une organisation et de son environnement institutionnel : d’un côté l’environnement d’une entreprise est considéré comme déterminant dans l’imagination de solutions nouvelles, d’un autre côté il est source de mimétismes entre les organisations. Aujourd’hui, les pouvoirs publics souhaitent donner plus d’initiatives aux acteurs des territoires dans l’émergence de prises en charge innovantes, mais ces derniers sauront-ils innover dans ce contexte particulièrement règlementé ? Et si c’est le cas, quel est le potentiel de diffusion de ces innovations nées des territoires ? Nous répondons à ces questions par une étude de cas issue d’une recherche intervention menée sur un projet article 51 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) 2018. Grâce à une démarche de conception et dynamique des organisations, nous précisons les modalités d’émergences de pratiques innovantes dans un environnement contraint et proposons des variables d’intérêt pour étudier la réplicabilité d’un projet innovant. Code JEL : O36