Les connaissances sur le cas roumain restent assez peu représentées au sein du vaste champ d'analyses interdisciplinaires ayant pris pour objet les phénomènes à l'oeuvre depuis le début des années 1990 dans les pays ex-communistes de l'Europe de l'Est 2. Gérard Althabe est l'un des rares chercheurs à s'être penché de manière systématique sur cette société 3. Dès le début des années 1990, il y a mené plusieurs enquêtes sur des terrains urbains 4 et ruraux 5 , en continuité avec ses réflexions comparatives sur la décolonisation, la décommunisation et la globalisation 6. Il manifestait aussi un vif intérêt scientifique pour les ONG, les processus de construction identitaire, l'expansion des logiques marchandes à la suite de l'écroulement du système totalitaire. La Roumanie fait l'objet d'un déclassement sur la scène internationale depuis un peu plus de deux décennies et apparaît dans la conjoncture actuelle comme l'exclue des pays de l'Europe de l'Est : alors que les réalités sociales restent relativement méconnues, elle est bien souvent perçue à travers des images de pauvreté, de personnes handicapées, de prostitution, d'enfants errants dans les rues, autant d'aspects décontextualisés qui en donnent une vision biaisée et la rapprochent peu ou prou des représentations communes du « tiers-monde » sur lesquelles s'étaye « l'idéologie humanitaire » 7. Certains des chercheurs se bornent à véhiculer un certain nombre de clichés et à citer cette société à titre d'exemple négatif : la Roumanie est par excellence le pays en retard, qui cumule les décalages, tente des rattrapages à chaque fois manqués et n'aboutit qu'à reproduire indéfiniment une économie et des institutions politiques et sociales prémodernes. La faible confiance dans les institutions, l'anti-occidentalisme, la souffrance de la population devant des réformes imposées, l'absence de tout engagement et mobilisation collectifs, voire de toute « société civile » (« un slogan vide de sens » 8 selon certains, « introuvable » selon d'autres 9) seraient les traits caractéristiques du monde roumain postcommuniste 10. Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, la pauvreté des connaissances sur la Roumanie n'est pas palliée par les productions des spécialistes roumains. Pour des raisons Occurrences paradoxales du politique en Roumanie
Résumé Résumé : Après un bref arrêt sur l'émergence des gender studies comme nouveau domaine de production de savoirs relavant tant de la démocratisation des pays ex-communistes que de l'internationalisation de leurs espaces académiques, nous reconstituons, sur la base d'une revue de travaux produits et diffusés depuis le début des années 1990, les principaux axes des débats transatlantiques centrés sur la possibilité d'affirmation du féminisme en Europe de l'Est. Le thème du « malentendu Est-Ouest » a pendant longtemps dominé ces échanges qui débouchent, à travers la revendication d'une spécificité des sociétés est-européennes ancrée dans l'expérience des régimes socialistes, sur la réévaluation critique de certains concepts consacrés par la réflexion féministe classique. Se rapprochant d'autres féminismes « dissidents » (postcolonial ou noir américain), les intellectuelles est-européennes mettent aussi en question l'ethnocentrisme de la production scientifique occidentale, voire l'« orientalisation » de l'Europe de l'Est. Les évolutions récentes des débats montrent, à la place du décollage théorique escompté, une tendance au nivellement de la critique par son assimilation dans le mainstream, la discipline elle-même restant marquée par son parrainage occidental.
Women's/gender studies were established in the Eastern European postcommunist countries during the 1990s, as a new field of academic research and higher education. Works produced in this framework are often used as expert studies and aim to contribute to the improvement of the condition of women in that region, being at the core of the social and political reconstitution programs during the post-communist era. They were established by agents who were simultaneously active in different social spheres (scientific space, civil society associations, or institutionalized politics) and who exemplarily personify the multisituated feminism of the globalization era. These studies criss-cross national and international levels as well as scientific and militant logics. Hence they seem a pertinent entry to study the reconstruction of social sciences, the emergence of new academic topics, the international circulation and the importation of scientific questions and, finally, the recomposition of the academic elites within the countries of Central and Eastern Europe. The article begins with a general point about the East-European context of the 1990s, when the socio-economic degradation of women's condition met a widely-spread rejection of feminist ideas due to their ideological manipulation by the socialist regimes. Then a zoom on the Romanian case allows us a reflection on the construction of the 'women's issue' during the post-communist transition, when several types of agents involved in the democratization reforms make theirs the transnational concern for women's rights. Finally, on the basis of these preliminary ideas, some research axes and working hypotheses are presented, such as: the sociology of gender studies as a new academic discipline, in a perspective inspired by the social history of social sciences; the sociology of the international circulation of feminist ideas and of the dynamics of EastÁWest intellectual debates on the topic of women's condition in the post-communist countries; the analysis of the multiplying bureaucratic uses of 'gender' consequences.Le domaine de recherche et d'enseignement des women's/gender/feminist studies 1 s'est institutionnalisé dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) pendant la décennie 1990. Les travaux rangés sous ces labels fonctionnent souvent à des fins d'expertise, se donnent pour but de contribuer à améliorer la condition des femmes et se situent au coeur des programmes de recomposition sociale et politique lors de la sortie du communisme. Mises en place par des agents qui investissent simultanément des espaces sociaux contrastés (associatif, scientifique et politique), ces études se *
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