Au Maghreb, au XXIe siècle, les saints musulmans et les rituels qui leur sont associés, loin de se dissoudre dans une modernité uniformisante, continuent à réunir nombre de fidèles. À partir d’un travail de terrain de plusieurs années, à Tunis et à La Manouba, l’auteur analyse le culte contemporain d’une sainte du XIIIe siècle, Sayyda Mannûbiya. D’après l’hagiographie et les légendes, les différences entre femmes et hommes saints paraissent minimisées en islam. Cependant, en dépit de la similarité apparente des rituels dédiés aux figures pieuses, certaines conditions singulières sont nécessaires à l’action de cette femme sainte, qui s’associe à d’autres saints et se joue des limites entre les genres. Ce livre décrit les formes plurielles de dévotion à la sainte, par des femmes et par des hommes, en deux lieux complémentaires, éclairant les dynamiques à l’œuvre issues d’un culte dédoublé, mais aussi les multi-affiliations existant entre ce même culte et d’autres pratiques religieuses concomitantes ou concurrentes. À la question des interactions entre hommes et femmes lors des cérémonies, s’ajoute celle des origines sociales et régionales des participants. En effet, le culte de Sayyda Mannûbiya qui bénéficie toujours d’un ancrage au sein des plus anciennes familles tunisoises, revêt un prestige auprès d’une clientèle néo-citadine, installée dans les nouveaux quartiers de la capitale et dont l’extension remonte aux années 1960. L’auteur montre comment la mise en présence de populations variées, à l’occasion d’une dévotion commune, contribue à revivifier les rituels en l’honneur d’une sainte, en particulier, et s’interroge, de façon plus générale, sur les modalités actuelles d’appropriation du culte des saints.