L e temps révolutionnaire n'est pas celui des médias. La soudaineté des basculements des révoltes arabes en 2011 a conduit bien des observateurs à oublier cette vérité historique pourtant maintes fois éprouvée. L'explication dominante de la chute des pouvoirs tunisien et égyptien fondée sur l'idée de l'émergence d'une nouvelle génération politique s'appuyant sur la catégorie des « diplômés chômeurs » 1 a amené nombre d'experts à négliger la part d'imprévisibilité des processus révolutionnaires et l'inanité de « l'effet domino ». Une telle analyse a par ailleurs conduit à sous-estimer la résilience des systèmes politiques tout comme celle des opposants traditionnels, au premier rang desquels les islamistes (dont tout porte à penser qu'ils restent des acteurs centraux dans le monde arabe) 2 . Depuis début 2011, les chercheurs en sciences sociales travaillant sur le monde arabe ont été mis à l'épreuve et parfois accusés de ne pas avoir su rendre intelligible le « Printemps arabe ». Bien au contraire, toute une littérature publiée depuis au moins une décennie a insisté sur les échecs tant politiques qu'économiques et sociaux des régimes autoritaires arabes, ainsi que sur le développement de nombreux mouvements sociaux 3 . De ce fait, une quête des causes pathologiques ou conditions d'émergence (répression, chômage, démographie, processus culturels, etc.) des révolutions en cours dans la région apparaît comme quelque peu redondante. Il est bien davantage stimulant de centrer l'analyse sur les changements en cours, en se penchant notamment sur les acteurs et leurs pratiques, et cela afin de comprendre les 1. Sur cette catégorie, voir notamment Montserrat Emperador Badimon, « Les mobilisations des diplômés chômeurs au Maroc : usages et avatars d'une protestation pragmatique », thèse de doctorat en science politique, Aix-en-Provence, Institut d'études politiques, septembre 2011. 2. Le concept d'islamisme a fait l'objet d'importants débats entre chercheurs. Pris dans son acception large, c'est-à-dire en tant qu'acteurs mobilisés ayant pour volonté de créer les conditions, à différentes échelles, de la mise en adéquation du monde social et politique avec une interprétation donnée des préceptes de la religion musulmane, ce vocable apparaît comme fonctionnel sur le plan analytique. Il permet en effet d'embrasser dans leur pleine diversité et complexité les différentes branches de l'islamisme dont le recours dans le champ politique « de façon privilégiée, et parfois ostentatoire à un lexique ou un vocabulaire emprunté à la culture musulmane » ne préjuge nullement des formes et répertoires de mobilisation :
No abstract
As a heterogeneous organisation characterised by a loose ideology and historically based on inclusion and dialogue, the General People's Congress (GPC), in power since its establishment in 1982, may have momentarily achieved a certain balance of power, participating to a broader formula of stability in Yemen based on political integration rather than violent confrontation with potential rivals. However, challenged since the 2000s by a unified opposition, rising regional conflicts and the leadership's uneasy partnership with the USA in the Global War on Terror, the GPC seems increasingly less capable of appeasing and mediating political, economic, social and religious divides. Even more so, it appears that the ruling party's strategy of inclusion has paradoxically played a significant role in the erosion of institutional pluralism in Yemen, encouraging the development of large co‐optation mechanisms and generating various forms of violent political exclusion. The aim of this article is to explore how the ruling party has progressively imposed a constrictive framework for political expression, allowing it to maintain its domination. Thoroughly investigating the schemes of domination produced and performed by the GPC, this study further questions the extent to which they account for structural violence in contemporary Yemen.
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