La question des jeunes est un élément essentiel pour comprendre les dynamiques de l’espace public et les pratiques citoyennes qui émergent dans l’Afrique d’aujourd’hui. Leur importance tient non seulement à leur poids démographique imposant, mais aussi à leur transformation, souvent dramatique, en tant qu’acteurs sociaux dans l’espace public africain au cours des années 1990. Cette transformation encourage la création de nouvelles formes de légitimité et de nouveaux espaces d’expression individuelle ou collective, et correspond à une mutation radicale de l’idée de citoyenneté, qui fait appel à de nouvelles ressources et qui remodèle les dynamiques nationales d’inclusion et d’exclusion. Ainsi, la constitution de nouveaux espaces d’expression encourage une conception moins restrictive de la participation citoyenne dans la mesure où les jeunes veulent faire entendre leur opinion et participer ouvertement aux divers débats de société. En lien avec les concepts de « citoyenneté culturelle » et de « contre-nation », nous nous proposons dans cet article d’examiner le rôle des jeunes dans le contexte de réaffirmation de l’identité islamique qui a marqué l’Afrique de l’Ouest francophone à partir des années 1980 et plus encore dans les années 1990, particulièrement dans les grands centres urbains du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. Nous nous penchons plus spécifiquement sur la question du rapport entre jeunes (comme catégorie sociale), religion et espace public
Pays majoritairement musulman, le Sénégal a la particularité d’avoir toujours connu une forte influence des confréries et d’avoir vu émerger, dans les années 1950, une nouvelle génération de musulmans arabisants et francisants, appelée réformistes, qui ont milité pour un enseignement arabe rénové, dans lequel il est question de comprendre le Coran et de maîtriser la Sunna ou Tradition du Prophète, le fiqh ou droit islamique, les sciences et d’introduire l’apprentissage du français. Depuis les années 1980, est apparue une nouvelle génération de réformistes, a remodelé ses stratégies, en mettant l’accent sur le prosélytisme religieux ou da c wa , en investissant les mosquées, en multipliant les prêches et les écoles franco-arabes. L’auteur se propose dés lors d’identifier ces différentes générations de réformistes, de présenter leurs parcours éducatifs, leurs modes de socialisation islamique et de militantisme et de démontrer les points de continuité et de rupture entre ces générations. La pluralité du réformisme conduit à s’interroger sur le contenu et l’évolution des savoirs véhiculés par cette tendance de l’islam. L’auteur s’interroge sur les dynamiques internes et externes du réformisme musulman sénégalais des années 1950 à nos jours et démontre que le fait d’utiliser plusieurs registres linguistiques et culturels, de s’identifier à la umma et de perpétuer des relations séculaires avec les pays arabes n’implique pas nécessairement l’émergence d’une culture réformiste musulmane transnationale ni la structuration de réseaux interrégionaux et internationaux du réformisme sénégalais.
Depuis le tournant des années 1990, la visibilité accrue de l’islam dans l’espace public au Burkina Faso s’est manifestée entre autres par l’émergence de prêcheurs et prêcheuses de plus en plus médiatisés. La participation active tant des hommes que des femmes invite l’ensemble des membres de la communauté musulmane du pays à faire évoluer les discours religieux pour atteindre des fidèles aux profils diversifiés et tenter de répondre à la concurrence des chrétiens. Il s’agira ici de proposer un regard croisé entre prêcheurs et prêcheuses du Burkina Faso afin de relever les permanences et les ruptures dans leurs stratégies de conversion — à savoir le raffermissement de la foi des croyants et les tentatives de rejoindre de nouveaux profils de fidèles — et leur utilisation des médias. La médiatisation croissante de l’islam a favorisé l’émergence de trois figures de converti à travers lesquelles l’expérience religieuse oscille entre individualisation et individuation. Selon qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un arabisant ou d’un francisant, d’un jeune ou d’un aîné, différentes logiques se dégagent que ce soit la recherche d’une plus grande légitimité, visibilité ou autonomie dans une perspective individuelle et communautaire.
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