La traction animale est exploitée depuis très longtemps en Afrique subsaharienne, mais elle a beaucoup évolué. La zone des savanes d’Afrique centrale compte environ 260 000 attelages (40 p. 100 d’exploitations équipées au Tchad, contre 25 p. 100 au Cameroun et moins de 10 p. 100 en République centrafricaine). La traction bibovine domine. Dans les systèmes de production, l’énergie animale est utilisée surtout pour le labour à la charrue et d’une manière secondaire pour les opérations d’entretien et le transport. La traction animale a des fonctions agronomiques (mécanisation, intégration agriculture-élevage) et des fonctions socio-économiques importantes. La phase d’équipement est un moment stratégique pour l’exploitation. Depuis 1950, les crédits équipements et l’encadrement technique proposés par les sociétés cotonnières ont fortement contribué au développement de la traction animale. Les paysans ont investi une part importante des revenus du coton dans cette technique.
Au Nord Cameroun, les agriculteurs utilisent une paire de boeufs ou bien un âne pour le labour et les travaux d’entretien des cultures. Avant 1997, l’usage du monoboeuf pour la culture attelée n’était pas pris en compte par le développement. Or sur une parcelle cultivée, le passage d’une paire de bovins dans l’interligne pose des difficultés au conducteur (piétinement des plants, casse des tiges par la chaîne de traction, difficultés de manoeuvre en bout de rangs). Le joug « enjambeur » n’a pas été adopté par les paysans car son envergure (160 cm) rend l’attelage difficile à manoeuvrer en bout de ligne. L’attelage monobovin permet de résoudre ces difficultés. En 1998, à la demande de la Société de développement du coton du Cameroun (Sodécoton), l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) a mis au point et testé en milieu paysan deux modèles de jouguets monobovins. Le modèle Irad BF se caractérise par une pièce en bois en demi-cercle qui épouse la forme de la bosse du zébu (7 500 Fcfa). Le modèle Irad BT se compose de trois pièces de bois ajustées en triangle (8 700 Fcfa). Une série de 50 exemplaires de chaque modèle ont été testés par des agriculteurs volontaires. Une majorité a déclaré préférer le modèle Irad BF car il était parfaitement stable et mieux ajusté sur la bosse de l’animal. Les points faibles du modèle Irad BT ont été les suivants : un prix trop élevé, un défaut d’assemblage des montants, une instabilité dans les virages. Depuis 1999, la Sodécoton a vendu 620 exemplaires du modèle Irad BF. Le travail se poursuit par la mise au point d’une charrette monobovine.
Apparue dans les années 1970 au Nord Cameroun, la traction asine est aujourd’hui utilisée par 25 000 « petits » agriculteurs. La capacité de travail de l’âne est juste suffisante pour les travaux agricoles. Le maintien dans un état nutritionnel correct est déterminant pour garantir une endurance à l’effort acceptable. Cette condition est loin d’être satisfaite. Dans cette étude, l’état nutritionnel des ânes de trait du Nord Cameroun a été caractérisé au moyen d’une grille de notation de l’état corporel. Une note de dos et une note de flanc, sur une échelle de 1 à 4 (émacié, maigre, moyen, bon) ont été attribuées à vue selon l’aspect du bassin, de la colonne vertébrale et du côté. La moyenne des deux notes, arrondie au demi-point supérieur, a donné la note globale. La corrélation des notes entre différents notateurs a été voisine de 80 p. 100, ce qui est un bon indice de reproductibilité. Un suivi de 41 mâles et 34 femelles a montré que durant la saison sèche, la note 3 a largement dominé (50 à 70 p. 100). D’octobre à janvier, les animaux maigres (note 2), ayant profité du changement de saison et d’environnement pathologique, ont reconstitué leurs réserves, tandis que les animaux bons (note 4) ont maigri avec les premières rigueurs de la saison sèche. De janvier à juin, la raréfaction progressive des ressources alimentaires a provoqué un amaigrissement généralisé, femelles gravides exceptées. Chez les mâles, la proportion des notes 2 est passée de 10 à 20 p. 100 entre le début et la fin de la saison sèche. Chez les femelles, cette proportion a été importante et constante tout au long de l’année (30 à 40 p. 100). Des actions d’amélioration de l’alimentation doivent être ciblées sur les femelles.
Pendant la saison sèche en régions semi-arides, les animaux sont maintenus sur des fourrages de pauvre qualité, nécessitant certaines formes de complémentation protéique pour améliorer leur productivité. Dans cette étude, le Calopogonium mucunoides a été distribué à des ânes de trait pendant la saison sèche pour tester son appétibilité et ses valeurs nutritionnelles. Douze ânes adultes ont été répartis en trois groupes alimentés de la manière suivante : groupe A a reçu des tiges de maïs et 0,5 kg d’une provende domestique constituée d’un mélange de son de maïs et de tourteau de coton, groupe B a reçu du C. mucunoides et 0,25 kg de provende, et groupe C a reçu du C. mucunoides et 0,5 kg de provende. La consommation de fourrage, d’eau et le poids vif des animaux ont été enregistrés. Les résultats n’ont montré aucune différence significative dans la consommation des fourrages. Une différence très significative (P < 0,001) a été observée en matière de digestibilité avec la plus importante digestibilité dans les groupes alimentés avec du C. mucunoides. En dépit de sa faible appétibilité ou acceptabilité par d’autres espèces d’animaux d’élevage, le C. mucunoides, comme légumineuse fourragère, présente un taux élevé de matières azotées brutes et pourrait efficacement remplacer des compléments protéiques agro-industriels que les paysans ont de plus en plus de difficultés à se procurer.
La traction animale joue un rôle très important dans la zone de savanes d’Afrique centrale (Tchad, Cameroun et République centrafricaine). Depuis quelques années, l’environnement institutionnel se modifie fortement. L’Etat se désengage du secteur agricole. De nouveaux acteurs se positionnent sur le « marché » de la traction animale : organisations paysannes, vétérinaires, forgerons, encadrement technico-économique, etc. Certains ont des difficultés à répondre à la demande des producteurs, à dégager une rentabilité suffisante, et sont demandeurs d’un appui pour pérenniser leur activité. Les producteurs aussi rencontrent des difficultés pour s’équiper et pour tirer tous les partis de l’attelage faute de connaissances et de moyens financiers suffisants. Ainsi de nouveaux enjeux émergent. L’augmentation de la pression foncière et la diffusion des herbicides modifient aussi la place de la traction animale dans les exploitations. Cette nouvelle donne pose de nouvelles questions à la recherche et au développement. Auparavant, il s’agissait pour la recherche d’apporter des réponses techniques aux questions soulevées par le développement. Désormais, il faut comprendre les recompositions institutionnelles, saisir l’évolution des besoins, susciter l’innovation et renforcer les processus de coopération au sein des nouvelles configurations d’acteurs. Les objectifs de développement doivent être réorientés vers le financement de la traction animale, la mécanisation des systèmes de culture, l’appui au transport attelé, l’intégration agriculture-élevage et l’appui aux secteurs émergents.
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