Une partie des analyses de ce texte et des articles du dossier trouvent leur origine dans les travaux et réflexions présentés dans le cadre du séminaire « Polices et policing en situation coloniale » organisé par le GERN. Des journées d'étude se sont tenues à Milton Keynes (sept. 2009, dir. G. Sinclair),
RésuméL’article s’intéresse à ce que peut apporter l’étude des relations ordinaires entre les sergents de ville et les Parisiens à la compréhension de la construction de l’État auXIXesiècle. À partir de 1854, en effet, la capitale importe le modèle londonien de police instituant une présence visible des agents et un contact permanent avec la population parisienne. L’étude de ces interactions, inspirée d’une approche située des travaux d’Erving Goffman et attentive aux cadres sociaux, politiques ou culturels dans lesquels elles se déploient, montre la mise en place heurtée d’un ordre partagé et négocié. L’inscription de cet échange dans un temps long, par-delà le moment communard, permet d’approcher, par le bas, l’élaboration de nouvelles formes d’ordre public, où se croisent à la fois développement de l’État, types de police, transformations des normes sociales et mutations des sociétés métropolitaines.
En 1854, Napoléon III importe le modèle londonien de police dans la capitale française. La police de contact, visible et quotidienne (on dirait aujourd’hui de « proximité ») s’impose alors pour longtemps dans l’espace parisien. En jouant sur les échelles et les angles d’observation, cet ouvrage entend étudier les mutations d’une relation police-société dans la seconde moitié du XIXe siècle. Entre 1854 et 1914, le sergent de ville, devenu gardien de la paix, s’intègre progressivement dans l’espace social, politique et mental parisien, sans que cela implique bien sûr la fin des confrontations ni celle des débats.
S’observe en même temps la lente professionnalisation d’une nouvelle force de police, la mise en place d’un ordre public d’un nouveau type, plus intégré, mais qui produit de nouvelles résistances et mises à l’écart, ainsi que l’émergence d’une perception nouvelle du « quotidien urbain » et de la peur des « apaches ». Ce processus concerne peut-être l’ensemble du territoire français, mais il semble trouver une expression particulière, dans ses formes comme dans son intensité, dans la capitale. Le gardien de la paix parisien devient en effet dans la République des années 1900 un symbole, à l’échelle française et internationale, de ce qui est perçu comme une nouvelle et ambiguë « civilisation urbaine ».
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