Libéré ou plus dedans ? 25 mai 2013, un petit groupe de visiteurs se presse à l'entrée de la stabulation. Pol ouvre la porte. « Cela fait trois ans que nous avons installé notre équipement » explique-t-il. L'éleveur dévoile alors le bras hydraulique qui pose un gobelet sur le trayon arrière gauche de la vache entrée dans la stalle du robot de traite. Les réactions ne se font pas attendre. Les commentaires fusent. « Alors c'est ça ! », « C'est incroyable ! », « Il n'y a plus d'homme, qu'une machine ! ». Les uns soulignent le gain de temps que cela doit constituer pour l'éleveur dispensé de la traite. D'autres s'extasient devant la mobilité et l'autonomie du bras muni d'un laser qui détecte le pis. D'autres encore sont fascinés par la précision de l'écran de contrôle affichant la production de chaque quartier et la machinerie de la Smart Gate. Alors que certains pointent la liberté des vaches qui ne sont plus attachées, vont et viennent dans les travées de la stabulation, d'une logette à la terrasse, de l'aire de nourriture à l'aire d'attente ; d'autres sont effarés par ce qu'ils désignent comme de la « froideur », une « déshumanisation » de l'élevage « qui se fait sans personne ». La fascination et le rejet dont témoignent ces propos font surgir rapidement une question au sein du groupe : le robot est-il un facteur de liberté ou d'emprisonnement des bêtes et des hommes ? A lire les prospectus disponibles sur les sites internet des fabricants de ce matériel zootechnique, il s'agirait bel et bien d'un progrès. « Libérer la main pour libérer la pensée », telle est la promesse faite aux éleveurs par ces documents chantant la révolution que ne devrait pas manquer d'introduire l'installation d'un robot de traite dans leur étable. Alors que les vaches soulagent leur pis selon leurs besoins et peuvent ainsi exprimer « plus naturellement » leurs comportements, l'éleveur peut vaquer à d'autres occupations loin des ♦ Séverine LAGNEAUX et Olivier SERVAIS
L’adaptation aux normes agricoles édictées au sein de l’Union Européenne est annonciatrice de la disparition des paysans roumains. Cependant, l’approche ethnographique des discours tenus par les acteurs d’un village du Banat nuance ce propos. La récupération des propriétés privées a engendré un repli familial dans la gospodǎrie qui permet de faire face aux manques de moyens techniques et financiers. Conjointement, la puissance du discours identitaire et idéologisé de la vie rurale roumaine provoque un ancrage profond dans la paysannerie. Conjuguant discours identitaire et défense de sa propriété, les représentations du mode de vie gospodar se teintent d’une nouvelle coloration. Vécu comme mode d’existence contemporain, il témoigne de différentes stratégies de positionnement face à l’altérité reflétant tantôt l’adhésion, tantôt l’opposition, tantôt une alternative à l’Occident.
Cet article décrit les transformations contemporaines de l’élevage porcin en Roumanie. Il montre comment le sujet culturel qu’est le cochon roumain devient un objet commercial et comment la cosmogonie exprimée lors de la mise à mort du porc dans les basse-cours villageoises se mue en spectacle destiné aux touristes. Je décris les étapes qui président au choix de l’animal mis à mort ainsi que la chaine opératoire d’un abattage de cochon dans une maisnie banataise. Je montre ensuite comment une quadruple pression s’exerce sur les petits paysans roumains et leurs cochons. En effet, l’installation d’un géant de l’agro-industrie porcine dans le Banat confisque non seulement les terres du pourtour villageois, mais aussi un mode de domestication. Par ailleurs, l’imposition des normes sanitaires et de bien-être animal édictées à Bruxelles altèrerait, aux yeux des petits éleveurs roumains, la saveur de la chair porcine. Les discours des défenseurs des droits des animaux renforcent également ces confiscations en dénonçant la barbarie de paysans dits insensibles à la souffrance des animaux abattus de façon « inhumaine ». Enfin, notons que l’annexe B1 de la Directive européenne 93/119/CEE fixe des règles minimales; cependant, un usage rusé de cette règlementation transforme l’abattage du porc en rituel orthodoxe. Il en résulte que la nature profondément signifiante du cochon pour le gospodar est passée sous silence.
Cet article consiste en une analyse aussi fine que possible de l’itinéraire d’un fromage de chèvre dit local-bio-artisanal par ses producteurs de la prairie à l’assiette. En suivant les multiples modalités pratiques et symboliques de la fabrique de ce fromage, nous tentons de mettre en exergue différentes dimensions du local. Nous montrons ainsi que le local outrepasse son ancrage spatial et, ce faisant, le cloisonnement dualiste dont il est trop souvent l’objet. Nous montrons également les diverses formes d’attachements et de détachements entre les protagonistes humains et non humains de cette production qualifiée de locale mais dont les agencements évoluent au fil de son émergence.
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