En dépit de son apparente simplicité, le terme d'atelier convoque une polysémie assez troublante pour le chercheur en histoire de l'art médiéval. après avoir longtemps laissé la place à la seule personnalité artistique de l'individu, créateur génial et isolé, l'histoire de l'art s'est consacrée, en particulier au cours des deux dernières décennies du xx e siècle, à replacer la création artistique médiévale dans son cadre de production, l'atelier. Le terme prend alors une dimension spatio-temporelle sous la forme de l'atelier-boutique où l'oeuvre est généralement commandée, produite et vendue, mais aussi une connotation socio-économique évoquant le groupe humain, fortement hiérarchisé, qui, sous la responsabilité d'un maître, concourt à sa réalisation. À la fois cellule de base de la création et espace de formation des artistes, cette conception doit aussi composer avec la mobilité des artistes. En effet, si certains créateurs passent toute leur carrière dans la même ville, voire dans la même boutique, les ateliers sont aussi très souvent itinérants, en particulier pour les métiers de la construction tels que la maçonnerie, la sculpture et la peinture murale. La définition de l'atelier devient alors beaucoup plus ambiguë puisque, pour certains auteurs, elle s'associe à celle de chantier, par essence mouvant et temporaire. Cette notion convoque une troisième acception du terme, cette fois de nature stylistique, employée en histoire de l'art pour circonscrire un groupe d'artistes produisant, à un certain moment et en un lieu donné, des oeuvres qui témoignent d'une communauté stylistique ou une école. Selon cette acception du terme, l'identification de l'atelier remplace celle de la main du créateur dans la recherche d'une chronologie, voire d'une généalogie de l'oeuvre produite. Cette pluralité de significations engendre nécessairement une grande variété d'approches : des tentatives de reconstitution d'ateliers par le biais de recherches d'archives ou d'explorations archéologiques aux analyses sur les groupes humains qui y participent à partir de l'iconographie ou de textes contemporains, en passant par l'aspect économique de la production artistique ou l'exploration stylistique de tel ou tel atelier. C'est ainsi qu'au cours des dernières décennies s'est développée une abondante production historiographique qui prend le plus souvent la forme de monographies consacrées à un atelier ou à une production spécifique, ou d'ouvrages généraux. Même si quelques synthèses régionales ont été tentées, ce qui frappe dans cette immense production, c'est l'approche pluridisciplinaire de la notion d'atelier qui prédomine aujourd'hui. Par des voies séparées d'abord, et davantage complémentaires de nos jours, à l'occasion de colloques ou de publications, les historiens de l'art médiéval ont scruté l'atelier pour définir des styles et des parcours artistiques, tandis que les historiens se sont penchés sur les sources d'archives pour écrire une histoire économique et sociale Après un doctorat d'histoire sous la direction de Jacques Le ...