Le terme « athlète d’État » a été fréquemment utilisé pour qualifier le mode soviétique de rémunération des sportifs. Or, cette appellation plaque une interprétation exogène sur la situation en URSS, sans rendre compte des réalités sociales et des luttes entre acteurs. Cet article montre comment, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un système original de rémunération se met en place. Il vise à réguler un monde sportif marqué par la désorganisation et la faible emprise de l’administration de la culture physique sur des sociétés sportives puissantes. Le tournant vers le sport de compétition amorcé au milieu des années 1930 a favorisé l’émergence d’« espaces de liberté » pour les athlètes et les sociétés sportives : adjonction de primes, emplois fictifs, inflation des gratifications. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le sport soviétique se rapproche des fédérations internationales et ces pratiques s’avèrent peu conformes avec leurs règlements. La période est aussi marquée par un grand nombre de réformes sociales économiques. Des bourses, délivrées par le Conseil de Culture physique et les sociétés sportives volontaires, sont distribuées à partir de 1947 pour lutter contre les « excès ». Des directives déterminent les montants et homogénéisent les revenus entre les différents sports. Elles témoignent d’une prise en main affirmée de l’administration centrale sur le mouvement sportif.
Au milieu des années 1930, un changement dans la manière d’envisager la performance sportive se produit en URSS. La recherche du record et la quête des victoires deviennent des objectifs de l’action du gouvernement et du Parti à partir de 1934, ce qui entraîne la mise en place de dispositifs pour coordonner et guider la préparation des sportsmen . Cette recherche éclaire dans la longue durée le processus de fabrique de l’élite sportive soviétique dont les prouesses apparaissent au cours de la Guerre froide comme une incarnation des réussites du régime et un foyer d’attachement des Soviétiques au « Soviétique ».
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