Dans les ménages appartenant aux fractions médianes et stabilisées des classes populaires, les tâches relatives à l’éducation des enfants sont prises en charge de façon presque unilatérale par les femmes, qui se voient dans certains cas obligées de mettre en retrait leur vie professionnelle. Ces femmes sont ainsi les premières responsables de la transmission des normes éducatives censées faire réussir leurs enfants : le cadrage des heures du coucher, une alimentation saine, le suivi des devoirs, la gestion des activités extrascolaires. Mais ces normes étant issues des classes dominantes, elles représentent un coût pour elles, rappelant le décalage entre les normes et les ressources dont elles disposent pour les mettre en place. C’est lors des moments où elles se rapprochent des pratiques populaires qu’elles soufflent et retrouvent des moments plus heureux en famille.

À la naissance de chacun de ses enfants, Nora Dhamani a dérogé aux normes légitimes octroyées à la « bonne » mère dans la société française. Leur placement, peu de temps après chaque naissance, a validé sa disqualification en tant que mère. Cet article analyse la réception et l’appropriation par cette mère des normes dominantes transmises par les divers professionnels qu’elle a rencontrés au cours d’un suivi social de plus de trente ans. Comment Nora a-t-elle vécu sa disqualification ? De quelle façon s’est-elle approprié les normes prescrites par les professionnels ? Comment est-elle arrivée à se transformer et à construire une place légitime auprès de ses enfants ? L’étude de cette trajectoire vise à apporter des éléments de compréhension sur le vécu des mères de classes populaires du travail de normalisation dont elles font souvent l’objet ; des oppositions et des impositions auxquelles elles doivent faire face pour pouvoir prétendre au rang de « bonne » mère.

L’enfant occupe une place centrale dans la société française d’aujourd’hui. Être parent est un statut recherché, qui amène de la reconnaissance, particulièrement lorsqu’il est, pour l’individu en question, le seul statut socialement valorisant. Qu’advient-il alors des parents dont l’enfant est placé très tôt après la naissance ? À partir d’une recherche ethnographique, cet article vise à montrer comment la mise en place des normes de la parentalité peut produire des « non-parents » et comment ces « non-parents » essayent de déjouer leur sort afin de devenir parents.

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