Cet état des recherches est issu d'un chapitre de mon habilitation à diriger des recherches (Michaut, 2020) et d'une synthèse produite pour l'observatoire de la réussite universitaire de Nantes Université. Depuis une cinquantaine d'années, de nombreuses recherches en sociologie et en économie de l'éducation ont cherché à établir les facteurs individuels et contextuels de la réussite dans l'enseignement supérieur. Cet article dresse un état de ces recherches à partir d'une revue critique de la littérature sur ce sujet. Après une discussion sur les multiples définitions et mesures de la réussite, l'article expose les principaux facteurs associés aux inégalités de parcours des étudiants. Ces facteurs ont été regroupés en cinq catégories : les caractéristiques sociodémographiques, la scolarité antérieure, les conditions de vie, les manières d'étudier et les contextes d'étude. Cette dernière catégorie est plus longuement examinée. Dans quelle mesure les parcours des étudiants dépendent-ils de l'université fréquentée ? Existe-t-il des modes d'organisation pédagogique plus efficaces que d'autres ?Les travaux des sociologues et des économistes des années 1960-1970 se sont focalisés, en France tout du moins, sur l'accès à l'enseignement supérieur, sur sa démocratisation et sur ses finalités, mais se sont peu attardés sur les déterminants de la réussite et de l'abandon des étudiants (Michaut, 2012). Les psychologues et les chercheurs en sciences de l'éducation anglosaxons s'empareront très tôt de ces problématiques, en privilégiant les facteurs de risque d'abandon. Par exemple, dans leur livre How college affects students, Ernest Pascarella et Patrick Terenzini (1991) ont identifié plus de 3 000 de ces recherches, menées dans les années 1970et 1980(Schmitz et al., 2010. Ces auteurs indiquent que plusieurs ensembles théoriques tentent d'expliquer l'abandon et la persévérance dans les études universitaires. Les modèles les plus courants sont des modèles éducationnels et des modèles motivationnels. Les modèles éducationnels (Tinto, 1975 ; Bean, 1980 ;Cabrera, Nora & Castaneda, 1993) soulignent l'importance des expériences institutionnelles et de l'intégration de l'étudiant : ce sont les interactions entre l'individu et l'environnement institutionnel qui déterminent la décision d'abandon ou de persévérance. Les théories motivationnelles, qui ont plus récemment émergé en tant que modèle explicatif de la persévérance, se focalisent davantage sur les caractéristiques de la personnalité, sur la motivation et sur les styles d'apprentissage (Neuville et al., 2013).En France, la problématique de l'abandon et plus généralement celle du parcours 1 des étudiants dans l'enseignement supérieur sont des préoccupations relativement récentes. Il faut attendre 1976 pour que soit publiée la première recherche longitudinale -conduite à l'Institut de recherche sur l'éducation (IREDU) par Alain Mingat -portant sur les inégalités de parcours des 1 Pour une discussion conceptuelle des distinctions entre « trajectoires », « carrières », « itinéraire...