La diffusion foudroyante de ChatGPT a fait monter d’un cran la panique que les débats sur l’intelligence artificielle, et notamment sur la moralité de leurs performances linguistiques et communicatives, qu’ils suscitent depuis plus d’un demi-siècle. Dans cet article, nous développerons ce questionnement en deux temps. D’abord, nous proposons une anthropologie documentaire des grands textes d’encadrement éthique sur l’IA, focalisant sur ses impacts sur la communication au travail. Après avoir fait ressortir les spécificités de l’approche universaliste de ces textes, nous examinons trois cas d’usages d’agents conversationnels et des machines communicantes au sein de contextes professionnels, documentés par des entretiens avec usagers, usagères, concepteurs et conceptrices. L’objectif est de montrer que l’analyse ethnographique des pratiques permet de mettre en évidence des éthiques situées remettant en perspective les principes d’une approche universaliste à la communication machinique. Ce qui conduit, en conclusion, à repenser le rôle-même du chercheur ou de la chercheuse, moins « expert·e » et énonciateur, énonciatrice de règles et de principes, et plus porte-parole analytique de son terrain.