Charles-Édouard Bourgeois, prêtre trifluvien, et les origines diocésaines de l’État-providence au Québec (1930-1960)1

Abstract

Résumé Cet article est basé sur le dépouillement des fonds Charles-Édouard- Bourgeois et Maurice-Duplessis, conservés aux Archives du Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, ainsi que sur des dizaines d’articles du Nouvelliste parus entre 1930 et 1960 au sujet des services sociaux dans le diocèse trifluvien. L’auteure y présente un premier aperçu du rôle de Charles-Édouard Bourgeois dans la naissance et le développement du service social en Mauricie après 1930, une implication qui a débordé dans l’ensemble des diocèses en région entre 1945 et 1960. On est ainsi conduit à constater l’émergence d’un courant réformateur au sein même de l’Église diocésaine avant la Révolution tranquille. Le discours de Bourgeois ainsi que les stratégies qu’il a incité l’Église à mettre en place pour gérer l’assistance et les services sociaux ont contribué, malgré lui sans doute mais de manière très nette, à préparer la prise en charge totale du secteur par l’État, à la fin des années 1960, basée sur le modèle keynésien. C’est donc une place de réformateur au sein de l’Église et de passeur entre l’Église et l’État qu’occupe Bourgeois dans l’histoire de l’assistance et des services sociaux au Québec.

Pierres grises et mauvaise conscience. Essai historiographique sur le rôle de l’Église catholique dans l’assistance au Québec

“…On remarque cependant que la production francophone s'est encore peu intéressée au réseau parallèle de confession protestante (à l'exception de certains auteurs comme Bradbury ( 1992), Janice Harvey (1994), Marcel Aranguiz (2000) sur le vagabondage et Femand Hébert (1998) sur la violence familiale). Une autre caractéristique de cette histoire de l'assistance est d'être encore fortement montréalo-centriste, bien que certains réseaux urbains, comme celui de Trois-Rivières, commencent à nous être mieux connus grâce, entre autres, aux travaux de Lucia Ferretti (2001). Enfin, soulignons encore ici les efforts de Jean-Marie Fecteau (2001) pour penser plus théoriquement ce phénomène de renfermement, celui-ci étant présenté comme le revers de l'idéologie libérale, sorte de « pédagogie du malheur » rappelant que chaque être humain est responsable de sa destinée, que le malheur est toujours un accident temporaire et « que le bonheur simple et l'humble activité de chacun sont les garants éternels d'une société bien réglée et d'un avenir radieux » 16 .…”

“…Marie-Paule Malouin (1998) insiste encore davantage sur le rôle de pionnières des Soeurs de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil dans le déploiement du service social canadien-français. Dans un esprit un peu apparenté, les travaux de Lucia Ferretti (2001), portant sur les services sociaux du diocèse de Trois-Rivières, développent aussi sur le mode révisionniste. L'auteure analyse le rôle de Charles-Edouard Bourgeois dans le développement et la structuration bureaucratique du service social mauricien et souligne l'existence d'un courant réformateur au sein même de l'Église catholique avant la Révolution tranquille.…”