Souvent évoqué pour désigner un mal-être dans l’entreprise, le harcèlement constitue à la fois une réalité sociale et une réalité juridique. Cette dualité se fait singulièrement jour lorsque se pose la question de l’universalité des éléments constitutifs du harcèlement. Pourtant, les frontières entre une situation normale et une situation caractéristique du harcèlement sont bien souvent dessinées par le juge qui apparaît comme une figure d’autorité apte à les imposer. Afin de mieux les cerner, cet article propose une analyse des arrêts émanant de la Cour de cassation sur une période de 12 ans. L’objectif est de déterminer comment une situation qualifiée de « normale » dans l’entreprise peut dégénérer en situation anormale justifiant une sanction judiciaire. Notre analyse laisse transparaitre quatre facteurs clefs favorisant la qualification d’une situation de harcèlement : le sexe et la fonction du harceleur et de la victime, l’élément déclencheur, le comportement dénoncé. Cette proposition de typologie permet de porter un éclairage sur les situations de harcèlements visant à mieux cerner et comprendre le processus de dégradation jusqu’au point ultime que constitue la sanction. Ces résultats présentent une portée pratique considérable en ce qu’ils peuvent éclairer les juges comme les gestionnaires qui, chacun dans leur activité, se trouvent souvent embarrassés lorsqu’il s’agit de qualifier des comportements ambivalents de harcèlement moral.