Résumé Au Pérou, dans les années 1990, un champ patrimonial émerge sur la côte nord du pays. Cela se produit dans une conjoncture particulière. En effet, les importantes découvertes archéologiques conduisent l’élite régionale à reformuler un récit identitaire du Norte Grande basé sur un glorieux passé commun (la civilisation Moche ou Mochica). Cette « renaissance », impulsée par la décentralisation administrative et les politiques multiculturelles, s’inscrit dans un contexte de concurrence des mémoires. En effet, entre l’hégémonie culturelle de Cuzco d’une part et le centralisme économique de Lima de l’autre, la revalorisation de la région est amorcée à partir d’une injonction patrimoniale faisant coïncider l’identité Moche avec le nouveau découpage territorial et la recherche de dynamisme économique. L’authenticité, la filiation et la connexion avec le passé préhispanique deviennent ainsi des enjeux fondamentaux dans la production de légitimités au plan local. Ce processus sera analysé à partir de la comparaison de données ethnographiques recueillies à Túcume et à Huaca Rajada-Sipán (Lambayeque). Ces deux communautés ont adopté des stratégies d’appropriation des vestiges et des positionnements très divers, afin de faire reconnaître la concordance entre identité et territoire, et de devenir ainsi des acteurs dignes de patrimonialisation.