En plaçant en leur cœur la question de la vulnérabilité et la raison humanitaire, les travaux récents sur les nouveaux flux migratoires ont sous-estimé la place du travail comme source de légitimité et d’accès aux droits. Or, s’il reste officiellement un moyen minoritaire d’obtention d’un titre de séjour, l’emploi est pourtant un élément déterminant de l’existence des migrant·e·s au statut civique précaire. À partir du cas français, cet article décrit les différentes manières dont l’économie morale de l’emploi structure les moments successifs de l’irrégularité migratoire. Il examine les effets de la précarité administrative sur une diversité de relations d’emploi, les stratégies documentaires qui les permettent et les arrangements moraux qui en résultent entre les travailleurs et travailleuses sans papiers et leurs patron·ne·s. Il met ensuite en lumière les différentes formes d’emploi et d’acteur·rice·s entrant en jeu dans les dynamiques d’accès à un statut légal. Enfin, il questionne les effets de la régularisation, pointant les évolutions biographiques qu’elle suscite tout en mettant en évidence les conséquences durables de l’irrégularité passée. La conclusion réintroduit la question de la performance économique dans l’analyse critique de l’humanitarisme en rappelant que ce dernier est lui aussi traversé par une raison néolibérale valorisant les victimes prometteuses. En soulignant la place du travail au sein de l’économie morale du lien migration-citoyenneté, l’article met en évidence les ambiguïtés de l’injonction à la performance économique dans la construction de la légitimité migratoire.