Focalisé sur le cas de la Belgique, cet article analyse la manière dont l’espace militant du soutien aux migrant·e·s est structuré autour d’une dyade séparant le « politique » de « l’humanitaire ». Cette opposition serait légitimée par les divergences entre les répertoires d’actions, selon qu’ils visent à la transformation radicale de la politique migratoire ou qu’ils soient centrés sur l’aide à la personne. L’article nous apprend que ces catégories sont en réalité poreuses et dépendent bien souvent du contexte dans lequel les réflexes militants s’imposent.
Dans les théories post-nationales de la démocratie, les migrants occupent souvent une place de choix comme acteurs du renouveau de la contestation politique. Condamné pour une partie d’entre eux à une extrême précarité juridique et sociale par leur exclusion étatique, les mobilisations collectives de migrants revendiquant la régularisation de leur situation administrative sont alors présentées comme la figure de proue d’une citoyenneté transnationale innovante. Sur la base de deux observations participantes menées au sein de mouvements de sans-papiers, nous soumettons à l’examen l’hypothèse selon laquelle la frontière est cependant bien plus résiliente que ne le pensent les démocrates postnationaux. Car la frontière se reproduit sous la forme de distinctions proto-administratives jusque dans les endroits où l’on attend le moins, et notamment au sein des mouvements de lutte de migrants, par un phénomène que nous nommerons un « effet de frontière ». Cet article avancera d’une part que cet effet de frontière est un avatar de la « pensée d’État » telle qu’elle a été mise en évidence par Bourdieu et le mobilisera d’autre part pour fournir un début d’explication à l’extrême fragmentation des groupes de migrants en lutte.
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