Le travail des femmes reste mal connu, peu connu, en dépit de nombreux travaux. L'appréhension habituelle de l'histoire du travail féminin est par ailleurs marquée par nombre de stéréotypes, dont le plus persistant s'exprime sans doute dans l'amplification du rôle des guerres dans la « mise au travail » des femmes. L'accumulation de monographies, de synthèses partielles, ne permet guère de sédimenter dans les manuels et les esprits une connaissance commune. De même que la plupart de celles qui se lancent dans des activités nouvelles ont généralement tout à inventer, à l'instar de leurs mères ou grands-mères, c'est comme si la mémoire, ou la capitalisation de la connaissance sur le travail féminin, ne pouvait se faire et qu'il fallait sans cesse redire l'importance du travail dans les vies des femmes qui nous ont précédées. L'historienne doit donc d'abord proclamer : « Les femmes ont toujours travaillé » [Kessler-Harris, 1981]. Cette insistance est nécessaire car les catégories habituelles de l'analyse économique et sociale ont longtemps et souvent omis ou nié les activités féminines [Perrot, 1978 ; Mathieu, 1991]. La saisie et la quantification de nombre d'activités par la statistique demeurent un problème pour l'historien qui s'intéresse aux sociétés du XIXe siècle, caractérisées par des activités majoritairement paysannes, boutiquières et artisanales. Dans le cas de la propriété familiale, les conventions utilisées pour décrire et mesurer l'activité jouent un rôle crucial : « Femmes, enfants, ascendants du chef de ménage peuvent ou non être considérés comme « actifs » : la participation au travail de la ferme peut être plus ou moins grande, l'environnement social et institutionnel plus ou moins propice à l'activité féminine et à sa déclaration » [Marchand, Thélot, 1991]. L'activité des femmes est donc souvent non saisie : « La valorisation abusive mais signifiante du travail productif au XIXe siècle a érigé en seules « travailleuses » les salariées et relégué dans l'ombre l'auxiliariat conjugal, boutiquières et paysannes, et plus encore les ménagères, ces femmes majoritaires et majeures sans lesquelles la société industrielle n'aurait pu se développer » [Perrot, 1978]. L'enregistrement de l'activité des femmes progresse ainsi avec les mutations structurelles de la société et l'affirmation du salariat.