Enquêter dans les partis politiques. Perspectives comparées

Abstract

Ce dossier se situe à la croisée de deux mouvements récents qui traversent la science politique française. Le premier tient au constat que l'étude des partis politiques s'est largement transformée ces dernières années. D'abord, cet objet « canonique » a fait l'objet d'une attention renouvelée, et en particulier un nombre important de thèses, récemment soutenues ou en cours, y sont consacrées. Ensuite, ces travaux, émanant donc pour une large part de jeunes chercheur(se)s, ont pour point commun de s'appuyer sur des enquê-tes, entendues au sens large comme des méthodes de production de données originales, que celles-ci soient qualitatives (par observations et entretiens) ou quantitatives (passation de questionnaires auprès d'adhérents d'un parti politique, par exemple). Cette multiplication de travaux empiriques sur les partis permet une confrontation des expériences d'enquête, afin de réfléchir collectivement à ces pratiques de recherche, pour elles-mêmes mais aussi pour ce qu'elles nous apprennent de l'objet de recherche parti politique. C'est ce double intérêt qui est à l'origine de ce dossier, en écho au mouvement récent portant la science politique française à accorder de l'importance et du crédit à la réflexivité méthodologique, sous l'effet notamment du décloisonnement disciplinaire en sciences sociales 1 . L'impératif réflexif s'impose donc également aux spécialistes des partis qui s'interrogent sur les conditions pratiques de leurs enquêtes.Ce renouvellement de l'étude des partis politiques a accentué le déca-lage entre les recherches françaises et celles publiées en langue anglaise. Alors que les premières se sont appuyées sur des enquêtes dont beaucoup

Lost in translation? Lo que los trabajos etnográficos nos dicen de los partidos políticos: una revision crítica de la literatura francesa

“…The first difficulty (chronologically but also in terms of importance for data collection) concerns access to the "field", an issue which inspires the greater part of methodological reflections on fieldwork on political parties (Aït-Aoudia et al 2010). And indeed, analysis of these conditions of access often provides the first stage in understanding how a party is structured (Grojean 2010).…”

“…Actually, the "observation" almost always takes place at the local level of the organization. In some cases, this choice is dictated by practical considerations -the local levels may appear more accessible for the researcher, even less intimidating (Aït-Aoudia et al 2010). In other situations, the apparatus at local level is essential because of the structuring of the party (which may really exist only at this level).…”

“…Furthermore, the question of the political positioning of the researcher seems virtually unavoidable, especially since it is far from being simply a question of "taking the party card". We may suppose that, if only by virtue of their occupational choice, political scientists and sociologists have in general a personal interest in politics; on the other hand, the parties themselves are by definition proselytizing organizations and expect those who approach them to at least clarify their own position, and quite often to "take sides" in their favour (Aït-Aoudia et al, 2010). The pressure from the organization for the researcher to reveal him/herself politically depends as much on its own organizational and ideological characteristics as on the research strategies that are deployedthe initial choice of working on organizations that one finds politically "sympathetic" or "antipathetic", close or distant, the choice of being "incognito" or "open", of doing participant observation or not.…”

Les enquêtes comparatives comme des relations sociales

“…La revue Genèses dans sa section savoir-faire a publié un grand nombre d'articles qui considèrent la relation entre l'enquêteur et l'enquêté comme une relation sociale. En effet, un grand nombre de chercheurs en sociologie politique considèrent que les entretiens individuels ou collectifs sont des relations sociales (Ait Aoudia et al, 2010 ;Beaud, 1996 ;Mauger, 1991 ;Garcia et Haegel, 2011) ; tout comme les observations (Pinçon et Pinçon-Charlot, 1991) ou encore l'administration des questionnaires (Bessière et Housseaux, 1997). Concernant des travaux autour de la production collective, bon nombre de réflexions sont présentes en France (Loncle, 2015 ;Buton, Lehingue, Mariot et Rozier, 2016), mais peu s'arrêtent spécifiquement sur les interactions entre les chercheurs en fonction de leur position dans l'espace universitaire.…”