Le retour réflexif sur les pratiques d'enquête de dix chercheuses en terrain partisan que propose cet article se nourrit de la présence croissante de débats méthodologiques dans la science politique française. Ces discussions profitent d'un décloisonnement disciplinaire et de l'extension de questionnements longtemps réservés aux terrains lointains des ethnologues 1 . Cet article porte notamment sur l'intersubjectivité propre à toute démarche qualitative supposant une co-présence entre chercheur et enquêtés 2 . Notre objectif est aussi d'insister sur les spécificités d'enquêtes sur des partis politiques, menées par des politistes.Pour appréhender l'accès et le maintien dans un milieu partisan, nous filons la métaphore de la maison : enquêter dans un parti politique équivaut à chercher une voie d'accès adéquate pour tenter de pénétrer dans la maison (par la porte principale, l'entrée de service, la fenêtre ?) puis d'évoluer avec le maximum de liberté dans chacune de ses pièces (sa « base », son sommet, ses différentes « ailes », son grenier, ses dépendances), le plus longtemps possible sans être raccompagnée promptement à la sortie.L'objet partisan présente plusieurs caractéristiques qui modèlent les relations d'enquête. En premier lieu, les partis sont des univers relativement institutionnalisés, pluriels et concurrentiels, structurés par des logiques de pouvoir et des univers d'interconnaissance, où les différents sous-groupes communiquent. Les partis les plus institués sont aussi très visibles médiati-quement, et surinvestis par des commentaires et analyses aux statuts divers, produits par les acteurs partisans eux-mêmes, mais aussi par des journalistes ou encore des essayistes. Il s'agit donc d'univers où la présence d'observateurs extérieurs peut être familière, et où la spécificité du regard scientifique
Ce dossier se situe à la croisée de deux mouvements récents qui traversent la science politique française. Le premier tient au constat que l'étude des partis politiques s'est largement transformée ces dernières années. D'abord, cet objet « canonique » a fait l'objet d'une attention renouvelée, et en particulier un nombre important de thèses, récemment soutenues ou en cours, y sont consacrées. Ensuite, ces travaux, émanant donc pour une large part de jeunes chercheur(se)s, ont pour point commun de s'appuyer sur des enquê-tes, entendues au sens large comme des méthodes de production de données originales, que celles-ci soient qualitatives (par observations et entretiens) ou quantitatives (passation de questionnaires auprès d'adhérents d'un parti politique, par exemple). Cette multiplication de travaux empiriques sur les partis permet une confrontation des expériences d'enquête, afin de réfléchir collectivement à ces pratiques de recherche, pour elles-mêmes mais aussi pour ce qu'elles nous apprennent de l'objet de recherche parti politique. C'est ce double intérêt qui est à l'origine de ce dossier, en écho au mouvement récent portant la science politique française à accorder de l'importance et du crédit à la réflexivité méthodologique, sous l'effet notamment du décloisonnement disciplinaire en sciences sociales 1 . L'impératif réflexif s'impose donc également aux spécialistes des partis qui s'interrogent sur les conditions pratiques de leurs enquêtes.Ce renouvellement de l'étude des partis politiques a accentué le déca-lage entre les recherches françaises et celles publiées en langue anglaise. Alors que les premières se sont appuyées sur des enquêtes dont beaucoup
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