Depuis 2009, les Innus de la communauté d'Ekuanitshit sur la Côte‐Nord au Québec sont confrontés à un mégaprojet hydroélectrique sur la rivière Romaine, partie intégrante du Nitassinan, leur territoire ancestral. Dans cet article, nous étudions les impacts du chantier sur le rapport tant matériel qu'idéel que les Innus entretiennent à la rivière. Nous explorons l'idée qu'il transforme le rapport traditionnel au territoire — marqué par un fort attachement identitaire et symbolique — en un rapport davantage utilitaire, dicté plutôt par des intérêts économiques et politiques. Notre analyse révèle que les territorialités des Innus, bien qu'elles se soient en partie transformées en s'ouvrant sur l'extérieur et l'altérité, demeurent ancrées dans un fort héritage culturel et une identification profonde au territoire. Nous avançons que ces conceptions différenciées en apparence, de traditions et de modernité, ne sont pas incompatibles. Elles composent des territorialités hybrides à la fois internes et externes, ancestrales et contemporaines, culturelles, sociales et politiques.