Bien qu’il bénéficie d’une appréciation généralement positive, le système sociosanitaire québécois est l’objet de plusieurs critiques qui font ressortir ses lacunes, tant sur le plan de l’accessibilité que de la continuité des services. Depuis la publication du rapport de la Commission Clair, en 2000, il est devenu usuel d’attribuer les problèmes de discontinuité à un fonctionnement dit « en silos ». Entre le personnel de différentes organisations et les praticiens de professions diverses se dresseraient des barrières qui entraveraient la collaboration nécessaire à la production de services mieux intégrés. À ce chapitre, diverses expériences locales ont été menées au cours des années 1990, notamment pour répondre aux besoins des aînés en perte d’autonomie. La plus ancienne d’entre elles se situe dans les Bois-Francs. Lancée en 1997, elle incarne l’un des modèles d’intégration les plus avancés, non seulement au Québec, mais aussi en Amérique du Nord. Dans cet article, nous montrons en quoi cette expérience est exemplaire du travail collectif qui doit être accompli, par une variété d’acteurs de professions, de localisations et de niveaux hiérarchiques différents, pour qu’une innovation se produise et dure. Nous montrons également comment la réforme du système sociosanitaire québécois lancée en 2003 a mis cette innovation à l’épreuve en retirant l’initiative de l’innovation des mains des intervenants et des gestionnaires qui l’avaient pensée et réalisée.Even though by and large appreciated, the Quebec socio-health system is the subject of many critiques that reveal its shortcomings, both with regard to accessibility and continuity of services. Since the publication of the Clair Commission Report in 2000, problems of discontinuity have commonly been attributed to the so-called silo mentality within the bureaucracy. Between the personnel of the different organizations and the practitioners of diverse professions, barriers arise that hinder the collaboration necessary for the provision of better integrated services. In that regard, various local experiments were conducted throughout the 1990s, in particular to respond to the needs of the elderly in loss of autonomy. The first experiment, conducted in Bois-Francs and launched in 1997, represents one of the most advanced models of integration not only for Quebec but also for North America as a whole. In this article, we show how this experiment is exemplary of the collective work that is required by the actors from a wide range of professions, locations and hierarchical levels such that an innovation can be realized and maintained over time. We also show how the reform of the Quebec socio-health system launched in 2003 has put this experiment to the test by removing the initiative from the hands of the stakeholders and managers who had initially developed and realized it