Face aux stratégies actuelles d'attractions urbaines, le rôle de la rivière apparaît majeur. Celle qui a été muraille et frontière, égout à ciel ouvert et tuyau d'évacuation, support d'infrastructures industrielles et routières, est aujourd'hui l'enchanteresse. On lui confère de nombreux attraits. Parmi une liste longue nous pourrions citer la création de « liens », de nouvelles centralités, d'animation sociale. La rivière désormais flatte l'image urbaine, en témoigne le relais médiatique des projets paysagers et architecturaux dont elle est le support (voir par exemple les numéros spéciaux et hors série des revues Diagonal, Topos, Urbanisme). Le dynamisme des cités fluviales y trouve un lieu d'expression privilégié. Ainsi, à la manière des évolutions ayant mené de la détestation au désir du rivage (Corbin, 1988), l'imaginaire lié à la rivière a muté. Depuis la fin du XVIIe siècle, qui vit l'idéologie hygiéniste bannir des villes d'une manière plus générale l'eau stagnante et l'humidité (Guillerme, 1990, p. 188), jusqu'à la création depuis une vingtaine d'années de nouveaux paysages fluviaux urbains, cet imaginaire, bien qu'en plusieurs étapes, a été retourné comme un gant. Cette évolution s'inscrit dans un contexte plus général d'évolutions dans le domaine de l'aménagement urbain, liées notamment aux nouveaux désirs de nature (Bailly, Bourdeau-Lepage, 2011), mais n'explique pas à elle seule pourquoi les rivières focalisent aujourd'hui tant l'attention. Comment caractériser les raisons qui fondent ce nouveau rapport aux paysages fluviaux ? Certes, le cadre structurel de l'attrait contemporain pour les rivières a été énoncé : disparition d'une culture du risque consécutive au développement de techniques de maîtrise hydraulique (Labasse, 1989, p. 19) ; prise de conscience de l'état de dégradation écologique du milieu (Bethemont, 2002, p. 77-78) ; nécessité d'une réponse formelle à l'augmentation des surfaces en eau dans le cadre des extensions urbaines (Garnier, 1995, p. 273). Mais les raisons intimes qui fondent ce nouveau regard ont été peu questionnées : quelles valeurs, quels modèles paysagers -définis comme « schèmes culturels structurant les représentations sociales du paysage » (Luginbühl, 1999, p. 64) -déterminent à présent l'élaboration des formes paysagères aux abords des cours d'eau ? Pour comprendre si ces formes constituent une nouvelle offre d'espaces publics (en termes de configuration et d'usage), il est impératif de commencer par répondre à cette question. Dans le cadre d'une thèse sur la construction des paysages fluviaux urbains, nous avons étudié les cas du Lez à Montpellier et de la Têt à Perpignan. Ces fleuves ont la particularité de n'avoir, avant les projets livrés de 2004 à 2007, que très peu fait l'objet d'interventions paysagères, comme nous le verrons au cours de cet article.Référents antérieurs (période 1970-2000) : maîtrise hydraulique, architecturale, botanique et horticole De quelles rigidités est-il question ? Il s'agit de celles ayant trait aux maîtrises hydrauliques, architectu...