Comment expliquer les hétérogénéités de trajectoires médico-scolaires d’enfants scolarisés au sein d’un quartier populaire de métropole dans la France contemporaine ? La régulation des populations enfantines ne se ferait plus uniquement par le contrôle des familles, mais par la prise en compte des critères biomédicaux individuels qui a pour corollaire une production de nouvelles catégories enfantines et le développement d’un marché paramédical libéral. Cela concorde avec l’émergence des « troubles des apprentissages », qui explosent depuis les années 2000 en écho aux lois relatives au handicap et à l’inclusion scolaire. À partir d’une enquête ethnographique menée de 2017 à 2019 dans les institutions médico-scolaires d’un quartier de métropole, cet article montre l’articulation des paradigmes neuroscientifiques et du déterminisme parental chez les professionnels, les parents, ainsi que leurs effets sur les trajectoires enfantines. Les stratégies parentales, enfantines et professionnelles sont analysées à partir d’études de cas d’enfants, et en croisant des matériaux issus des données d’observation en cabinet d’orthophonie et dans un centre de médecine scolaire avec des entretiens réalisés auprès des mères. Cet article met en évidence deux principaux résultats, d’une part l’extension du paradigme neuroscientifique au champ de l’enfance et de la scolarité avec la création d’un « champ médico-scolaire local », et d’autre part l’émergence d’une « nouvelle hygiène scolaire » construite à partir des normes biomédicales et des critères scolaires. Cette circulation de populations enfantines témoigne du processus de tri lié à la production de nouvelles catégories médico-scolaires qui influencent de manière inédite les trajectoires médico-scolaires dans un contexte d’injonction à la réussite scolaire.