« Les oreilles se sont ouvertes des deux côtés » : développement territorial et relations entre Innus et non-Innus au chantier Romaine

Abstract

Cet article porte sur les relations entre les Innus et les non-Innus dans le contexte du chantier hydroélectrique de la Romaine localisé sur la Côte-Nord au Québec. Il s’intéresse au rapport dialectique entre le développement territorial et les relations interculturelles. Situé à la fois au coeur du Nitassinan, territoire ancestral des Innus, et de la municipalité régionale de comté (MRC) de la Minganie, ce chantier s’inscrit dans une réalité territoriale et culturelle multiethnique façonnant la gouvernance régionale et nordique. À partir d’une démarche qualitative basée sur des entrevues approfondies menées auprès d’acteurs régionaux et de travailleurs innus et non-innus, cette recherche exploratoire démontre que le chantier de la Romaine ne s’est pas avéré, jusqu’à présent, un espace de rencontre particulièrement fécond. Si des rapprochements entre les décideurs autochtones et allochtones ont pu être observés, les liens interculturels entre les travailleurs du chantier, pour leur part, restent encore ténus. Nonobstant, nos résultats suggèrent que ces relations interethniques institutionnelles et quotidiennes sont des ingrédients incontournables du développement territorial nordique.This paper examines the relationship between the Innu and non-Innu peoples in the context of the Romaine River hydroelectric project in Quebec’s Côte-Nord region. It is interested in the dialectical relationship between territorial development and intercultural relations. With a focus on Nitassinan, the ancestral territory of the Innu, and the regional county municipality (RCM) Minganie, this project bears witness to the multi-ethnic territorial and cultural reality shaping regional and northern governance. Using a qualitative approach that involved in-depth interviews held with regional players as well as Innu and non-Innu workers, this exploratory research demonstrates that the Romaine River construction site, as a place of encounter, has not yet proven to be particularly fruitful in enhancing the relationships between these participants. While there has been some rapprochement between the Indigenous and non-Indigenous decision-makers, the intercultural links between the workers at the construction site are still tenuous. Nevertheless, our results suggest that these institutional and everyday inter-ethnic relations are inescapable components of the territorial development of northern Quebec

La rivière Romaine en chantier : Transformations contemporaines des territorialités des Innus d'Ekuanitshit

“…Les liens interculturels entre travailleurs innus et allochtones au chantier sont ténus, notamment en raison des corps de métiers distincts (Guimond et Desmeules ). Les travailleurs tendent à fréquenter leurs collègues immédiats aux campements, résultant dans la formation de « clans » et de « cercles fermés ».…”

“…Le mégacomplexe hydroélectrique de la Romaine situé sur la Côte‐Nord, instigué par Hydro‐Québec en 2009, n'y fait pas exception. La construction de quatre barrages, centrales et réservoirs, pour un coût estimé à 6,5 milliards de dollars, suscite maints émois économiques, environnementaux et sociaux aux échelles locale, régionale et provinciale (Vincent ; Desmeules et al ; Guimond et Desmeules ). Limitrophe à la rivière, la communauté innue d'Ekuanitshit, composée d'environ 600 membres, en est particulièrement affectée.…”

“…Si leur nombre r eduit constitue un premier signe de leur place marginale au chantier, cette derni ere se d evoile surtout dans les types d'emploi occup es, qui sont « au bas de l' echelle » et peu valoris es. Les plus r ecentes statistiques obtenues par la Soci et e des entreprises innues d'Ekuanitshit (SEIE) (2016) en t emoignent : sur les 144 Innus de diverses communaut es qui sont employ es Territorialit es des Innus d'Ekuanitshit 7 204 Alexia Desmeules and Laurie GuimondLes liens interculturels entre travailleurs innus et allochtones au chantier sont t enus, notamment en raison des corps de m etiers distincts(Guimond et Desmeules 2017). Les travailleurs tendent a fr equenter leurs coll egues imm ediats aux campements, r esultant dans la formation de « clans » et de « cercles ferm es ».Les d efis et obstacles pr esent es ci-haut faS connent les rapports des Innus aux territoires du chantier qui deviennent de plus en plus ambigus.…”