S’appuyant sur une ethnographie de trois mois menée au sein d’une association féministe gérant un service d’accueil de femmes victimes de violences, cet article propose d’interroger le potentiel transformateur du travail social féministe mis en œuvre dans cette association. Il s’intéresse aux processus d’ empowerment et de conscientisation que les professionnelles de l’association tentent d’impulser chez les femmes qu’elles accueillent, ces dernières étant le plus souvent éloignées des idées et du militantisme féministe. Une première partie présente le travail social féministe, en s’attachant à mettre en lumière son inscription dans le travail social comme son opposition à certaines de ses pratiques. Les deux parties suivantes, plus ethnographiques, donnent à voir le travail de conscientisation en direction des femmes accueillies, et les effets de celui-ci en termes de pouvoir d’agir individuel. Il s’agit de montrer comment certaines valeurs du travail social féministe peuvent entrer en contradiction avec la mise en œuvre d’un réel travail de mobilisation des femmes accueillies, qui nécessiterait pour les professionnelles d’adopter une posture « d’avant-garde » qu’elles rejettent.