Dans le milieu des techniciens de l'eau, l'actualité est souvent interprétée en fonction des nouveaux textes législatifs ou réglementaires (nouvelles normes, agenda européen) ou bien d'événements ayant attiré l'attention des médias sur l'eau (blooms algaux, lé-gionellose…). Mais les mouvements sociaux qui revendiquent une restauration des cours d'eau sont peu ou mal appréhendés par les experts alors même qu'ils sont souvent à l'origine des nouveaux textes et qu'ils interprètent aussi les événements médiatisés. Ainsi, la nouvelle directive cadre sur l'eau adoptée en 2000 pose beaucoup de questions aux spécialistes qui se demandent comment l'appliquer. Il n'est pas ininté-ressant dans ce contexte de faire un historique, au moins français, des revendications sociales de restauration des rivières et de retracer comment ces revendications ont été traduites par les scientifiques puis comment les politiques se réapproprient ces combats en fonction de leur propre agenda. Nous distinguerons pour cela trois périodes qui sont marquées par des mouvements sociaux différents qui s'intéressent aux cours d'eau. La première qui va de la fin du XX e siècle jusqu'à 1941 montre comment les pêcheurs ont formulé le problème de la pollution. La deuxième va de 1950 à 1970 et montre comment le rapatriement de populations et d'ingénieurs des colonies vient modifier le problème de l'eau. La troisième va de 1970 à 2000 et montre comment les institutions de la pêche perdent peu à peu leur légitimité vis-à-vis des rivières au profit de revendications environnementales portées par les classes moyennes qui critiquent la société de consommation. Nous aborderons la période actuelle à travers quelques pistes qui semblent témoi-gner du pouvoir actuel des consommateurs sur la qualité de l'eau.