« Terrains et chercheurs sous surveillance. Auto-contrôle, autocensure et mise en administration des sciences sociales »

Faire de la recherche au Kurdistan irakien : questions éthiques en milieu autoritaire

“…L'expression situation limite fait ici référence à l'étendue possible des formes d'effondrement ou de défaillances institutionnelles et politiques étudiées parBataillon et Merklen (2009) dans leur ouvrage portant sur les situations-limites dans diverses configurations géopolitiques.2 Posture adoptée dès l'époque de ma thèse au Liban à propos des relations libanopalestiniennes à une époque où une certaine nervosité existait sur ce thème de la part des autorités libanaises, sous tutelle syrienne, en raison d'un antagonisme de vue entre le Fatah (Arafat) et le Baath syrien. Sur cette posture de prudence labellisée « visiteur » par Michel Camau et qui consiste à se plier aux règles locales, mais aussi à adapter sa communication avec son environnement, voirMaro & Perrin-Joly (2019).3 La recherche sur le Moyen-Orient a connu deux traumatismes importants sur ce point : le premier fut le kidnapping de Michel Seurat au Liban en 1985 et son décès en captivité; le second fut l'assassinat atroce du jeune chercheur italien de Cambridge, Giulio Regeni, torturé par les services de sécurité égyptiens du Maréchal Sissi et dont le corps a été abandonné au bord d'une route d'un faubourg du Caire. Le choc causé par ce second décès survenu alors que Giulio travaillait sur des questions de pauvreté montre bien l'importance critique de savoir à quel régime et à quelles règles (explicites et implicites) on a affaire.4 Pour se rendre au Kurdistan d'Irak, nul besoin d'un visa irakien, quand bien même ce territoire est situé en Irak.…”