les contributions de linguistes, dans les deux sens que prend ce terme en sciences humaines -spécialistes de langues et cultures étrangères, et spécialistes du langage. Il s'agit d'éclairer, au-delà des polémiques, la diversité des mécanismes langagiers que met en oeuvre le politiquement correct. Il convient en effet de distinguer deux aspects quand on aborde le politiquement correct en tant que linguiste : la formule elle-même et les vives controverses qu'elle suscite, mais également, au-delà de la formule, l'évolution des normes linguistiques, la question de leur contournement et de leur transgression dans les discours 2 . C'est ce deuxième aspect qui a été privilégié dans ce dossier. 4 L'ancrage socio-historique récent du politiquement correct ne doit pas faire oublier qu'il ressortit à une dialectique discursive immuable, entre tabouisation et euphémisation (Uría Varela, 1997 ; Reutner, 2009 ; Reutner & Schafroth, 2012), que Schafroth décrit comme le « visage de Janus du politiquement correct » (Schafroth, 2010). Par tabouisation, il faut entendre le fait de rendre tabou, de frapper d'interdit une expression, considérée comme inadéquate ou idéologiquement intolérable (« PD » en français, « nigger » en anglais, etc.). L'euphémisation est, elle, le terme générique retenu pour désigner tous les procédés de contournement du tabou verbal (Reutner, 2009). La formule politiquement correct apparaît donc 2 Dans cette contribution, ce n'est pas le terme -ou la formule (voir Krieg-Planque, 2009) -« politiquement correct » qui nous intéresse, ni une quelconque controverse sur ce qui est politiquement correct ou ne l'est pas, mais le phénomène tel qu'il se manifeste en discours. Le politiquement correct est en effet toujours une réalité discursive plutôt que linguistique au sens strict, et cela à plusieurs titres. Il relève toujours de la langue en usage au sens de « parole » chez Saussure. Mais c'est aussi, voire surtout, un phénomène dans lequel joue le poids du collectif en ce qu'il est affecté par ce qu'on peut ou doit dire ou ne pas dire à un certain moment dans un certain lieu. C'est à ce titre que le politiquement correct intéresse l'analyse du discours. L'objectif est donc de le définir et de l'étudier dans la 7 Étant donné qu'il vise à inventorier les rapports conventionnels entre représentations sociales et marquages discursifs, le tableau s'applique, lorsqu'on le lit ligne par ligne, uniquement à des contextes de communication non polémique. Dans ces contextes, ce sont des représentations acceptables, c'est-à-dire non encore (ou plus) dominantes, mais déjà (ou encore) assez répandues à l'intérieur du groupe, qui sont fortement marquées. Aussi bien les représentations dominantes que les représentations sensibles, c'està-dire à peine en émergence ou fortement contestées, sont, quant à elles, faiblement marquées. Les deux extrêmes du continuum enfin, à savoir l'évidence et l'inacceptabilité, donnent lieu à une absence totale de marquage en discours des représentations en question. La polémique, en revanche, consis...