À partir d’une étude de cas d’un morceau de rap contemporain, le hit de Cardi B « Bodak Yellow » paru en 2017, cet article pose à nouveaux frais la question du contextualisme dans l’analyse des musiques africaines-américaines. Tout en s’inscrivant dans une logique de production d’un tube mainstream , la chanteuse Cardi B établit par phonogrammes interposés une relation dynamique avec les performances d’un autre musicien, le rappeur Kodak Black. Ce faisant, « Bodak Yellow » passe du statut d’œuvre phonographique close sur elle-même à celui de « talking tune », un trope cette fois typique de la culture vernaculaire africaine-américaine. En proposant une analyse de cette interaction située, cet article entend montrer que l’enracinement systématique de la performance musicale noire américaine dans un contexte ne disqualifie pour autant pas une approche formelle de la construction des sons. C’est même le contraire qui se passe, car dans la culture noire, la virtuosité est un enjeu majeur de la performance. Mais il importe, au travers de la connaissance ethnomusicologique de cette tradition, de réinscrire ce jeu musical formel dans un geste culturel – une « attitude » – qui lui confère son sens le plus plein, musicalement parlant.