André Aubréville fut un forestier d’exception. Formé à l’École forestière française de Nancy, il rejoignit dans les années 1920 les services forestiers coloniaux. Ses livres quifontencore référence témoignent d’un esprit encyclopé- dique, d’une grande lucidité et d’un talent de visionnaire. Comprenant combien l’avenir de la forêt tropicale était menacé par les activi- tés humaines, il mit en place des structures forestières susceptibles d’assurer ce qu’on nommerait aujourd’hui une production sou- tenue. Il devint en 1939 Inspecteur général des Eaux et Forêts de l’Afrique occidentale française mais était aussi déjà réputé comme botaniste spécialiste des Sapotacées et bio- géographe. À l’âge de 60 ans, il fut nommé Professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, et entra à l’Académie des Sciences de l’Institut de France. Travailleur in- fatigable, il considérait la botanique comme un outil permettant de mieux comprendre la complexité des forêts tropicales. S’insur- geant contre les généralisations abusives, il montra pourquoi la climatologie actuelle ou passée déterminait localement la compo- sition floristique et les contours de la forêt africaine, forêt malmenée par les feux dont il mesurait l’effet dévastateur et durable. Il fut le premier à entreprendre une véritable tropicalisation de la foresterie, à démontrer la faiblesse du concept de forêt primaire et à suggérer la valorisation des forêts secon- daires. Il ne doutait pas que le matériau bois tiendrait, cinquante ans plus tard, face aux matériaux concurrents, et que les espèces les plus demandées le demeureraient encore pour leurs qualités technologiques supé- rieures. L’ensemble de son œuvre appelait à une forme d’interventionnisme susceptible de préserver les ressources forestières tropi- cales de toute forme d’exploitation abusive. D’aucuns ont pu y voir l’expression d’un tem- pérament jugé trop colonial. Mais on peut tout autant aujourd’hui y déceler, par l’am- pleur des propositions formulées en faveur de la protection de la végétation forestière, l’œuvre d’un forestier résolument précurseur et visionnaire.