Vers l'indépendance des colonies à esclaves d'Amérique : haïtienne

Abstract

Esclavage colonial et résistance des esclaves sont inséparables. Aussi une colonie à esclaves vit-elle dans un état de guerre perpétuelle, peuplée qu'elle serait, aux yeux du pouvoir colonial, d'" ennemis domestiques ". Certains appréhendaient d'autres prédisaient un soulèvement des insoumis, possible à tout moment. Pourquoi les appréhensions des uns, les prédictions des autres n'ont-elles été réalisées qu'à Saint-Domingue ? Pourquoi là uniquement une insurrection générale s'est-elle achevée dans la proclamation de l'indépendance d'un pays neuf ? Comment expliquer cette singularité historique ? L'auteur de l'article avance l'hypothèse que c'est l'existence, au sein de la masse esclave du Nord, d'un imaginaire social de pays indépendant, qui rend mieux compte de la singularité observée. Il montre que la Province du Nord a été le berceau de l'institution imaginaire d'un pays afro-créole indépendant, le foyer de toutes les insurrections contre l'esclavage colonial, le lieu central de formation et de constitution d'un gouvernement autonome issu de la résistance esclave ; bref, que le Nord a été le creuset d'où émergea Haïti indépendante. Là, une suite d'événements liés, dans l'imaginaire, l'espace et le temps, qui n'ont eu lieu dans aucune autre colonie, ont pu singulariser l'itinéraire des esclaves de Saint-Domingue vers l'indépendance et produire finalement l'exception haïtienne.

Les parcours du marronnage dans l’histoire haïtienne

“…Ils étaient les lieux privilégiés d'installation, parfois provisoire, des dokko (camps retranchés de marrons, appelés palenques à Cuba, quilombos au Brésil). Dans le sud-ouest de l'île, la forêt de Macaya abritait également certains de ces dokko (Midy 2003).…”

“…Ces marrons vivaient depuis une centaine d'années dans le massif du Bahoruco, qui départageait alors le sud de l'île entre la partie occidentale française et la partie orientale espagnole (Moreau de Saint Méry 2004: 1131-1136Debbasch 1961 : 185-191 ;Midy 2003).…”

“…Aujourd'hui, certaines des grandes figures du marronnage haïtien ont été sorties de l'ombre (Midy 2003 ;Moïse 2003). Mais il n'empêche que le paradoxe vaut également avec l'exemple haïtien : comment le marronnage peut-il être mobilisé dans autant de configurations mémorielles en fonction des circonstances et des époques et aboutir ainsi à des interprétations concurrentes ?…”

Face au passé

“…In an earlier article, Midy (2003) supported the theory according to which an imagined independent "Afro-Creole" nation was formed in the Saint-Domingue colony as early as the middle of the eighteenth century, around Makandal. However, this illustrious figure of "marronnage" (fugitive slavery) is not particularly glorified in official memory: he is not a pillar of heroic nationalism (Célius 2004).…”

“…Dans un article antérieur, Midy (2003) soutenait la thèse selon laquelle un imaginaire de pays « afro-créole » indépendant se forme dans la colonie de Saint-Domingue dès le milieu du XVIII e siècle autour de Makandal. Pourtant, cette illustre figure du marronnage n'est pas particulièrement glorifiée dans la mémoire officielle ; il n'est pas un pilier du nationalisme héroïque (Célius 2004).…”