Résumé Des jeunes salariés québécois reprochent à leurs syndicats de ne pas tenir suffisamment compte de leurs intérêts dans la négociation de leurs conditions de travail. Ils ont ainsi fondé leurs propres associations en réaction à la façon dont le syndicat exerce son monopole de représentation. Ce nouveau phénomène traduit une insatisfaction certaine face à la façon dont s’exerce la démocratie syndicale dans certains milieux de travail. L’émergence de ces associations parallèles devrait inciter les leaders syndicaux à faire montre de plus d’ouverture, à engager le dialogue et à entreprendre une réflexion devenue nécessaire sur leur conception de la démocratie — et la notion d’égalité qui y est sous-jacente — à l’ère des droits fondamentaux de la personne.
La Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés exercent aujourd’hui un effet structurant sur le droit du travail. Inspirés du droit international, ces textes à valeur constitutionnelle ont des incidences bien concrètes sur l’ensemble des relations de travail, que celles-ci soient individuelles ou collectives ou encore qu’elles mettent en présence un employeur du secteur public ou privé. Ce nouveau phénomène de constitutionnalisation du droit du travail entraîne sur la discipline un triple effet (un effet de modernisation, un effet d’uniformisation et un effet de complexification) qui touche directement toutes les institutions du monde du travail (tels les employeurs, les syndicats, les instances juridictionnelles spécialisées dans le domaine du travail), les appelant ainsi à se redéfinir.
En 2012, le recours à la grève exercé par plusieurs associations étudiantes afin de protester contre la hausse des droits de scolarité annoncée par le gouvernement du Québec a provoqué une véritable crise sociale. Alors que cette levée collective de cours était votée démocratiquement par les membres de ces associations — lesquelles détiennent, par l’effet de la loi, un monopole de représentation de l’ensemble des étudiants —, les tribunaux n’ont pas hésité à prononcer, à la faveur d’étudiants « dissidents », des ordonnances en vue de leur permettre d’accéder librement aux salles de cours, malgré le piquetage exercé à la porte des établissements. Ce choc entre droits collectifs et droits individuels a suscité, chez certains, une remise en question de la légalité même de la grève — incidemment réduite au rang de simple boycott pour mieux saper sa dimension collective — comme moyen de pression en contexte étudiant. Les auteurs concluent que le cadre historique et juridique dans lequel évoluent les associations étudiantes les autorise, au nom de la liberté d’expression et de la liberté d’association garanties par les chartes des droits, à exercer la grève et à dresser des piquets de grève en conséquence.In 2012, the strike action taken by several student organizations to protest against the tuition fee increase announced by the Quebec government led to a genuine social crisis. Although the strikes were decided democratically by the members of the associations concerned — which hold, by law, a monopoly on the representation of all students — the courts were quick to issue orders allowing dissenting students free access to classrooms, despite the picket lines set up around building entrances. This clash between individual and collective rights led some people to question the legality of a strike — incidentally reduced to a mere boycott to better undermine its collective dimension — as a means for students to exert pressure. The authors conclude that the historical and legal context within which the student associations are working authorizes them, on the basis of the freedom of expression and freedom of association guaranteed by the Charters of Rights, to exercise the right to strike and to draw picket lines accordingly
Dans l’état actuel du droit, la Charte des droits et libertés de la personne est l’objet d’une interprétation qui nie toute possibilité, pour un salarié, d’obtenir l’exclusion d’une preuve civile obtenue en violation de son droit au respect de la vie privée par l’employeur. C’est plutôt le Code civil du Québec qui permet aux salariés de bénéficier de ce type de sanction, laquelle est cependant interprétée restrictivement parce qu’elle est perçue comme une exception à la règle voulant que la preuve de tout fait pertinent soit recevable. Outre la lecture parfois étroite que les tribunaux font du droit à la vie privée dans le contexte du travail, ils tendent quelquefois à considérer l’atteinte à ce droit justifiée, même dans des cas où l’employeur ne disposait pas, dans les faits, de motifs raisonnables pour exercer une surveillance clandestine. Cela étant, si une telle démarche intuitive de l’employeur révèle, a posteriori, que le salarié est bien l’auteur d’un acte de déloyauté, l’exclusion de la preuve est presque invariablement refusée par souci d’assurer le triomphe de la vérité. Dans ces conditions, le droit au respect de la vie privée paraît à ce point fragilisé que sa protection commanderait une intervention du législateur ou, à défaut, un réalignement jurisprudentiel de nature à imposer un meilleur équilibre entre les droits respectifs des parties.
En manifestant publiquement sa réprobation à l’égard de son employeur, que ce soit sous forme de dénonciation ou de critique, un salarié exerce sa liberté d’expression, liberté fondamentale garantie par les chartes des droits. Pourtant, lorsqu’ils ont à juger du caractère abusif ou non d’une telle conduite, les tribunaux se replient généralement sur les concepts traditionnels du droit civil que sont la « faute » et l’« obligation de loyauté ». Ainsi, la plupart du temps, la prise de parole du salarié est assimilée à un manquement à ses obligations contractuelles. Dans le texte qui suit, les auteurs rappellent que ce devoir de loyauté relève, somme toute, du droit « ordinaire », alors que les assises de la liberté d’expression sont, elles, de nature constitutionnelle. Ils plaident pour un plus grand respect de la hiérarchie des normes et, par conséquent, en faveur de la reconnaissance d’un espace critique accru en milieu de travail.
scite is a Brooklyn-based organization that helps researchers better discover and understand research articles through Smart Citations–citations that display the context of the citation and describe whether the article provides supporting or contrasting evidence. scite is used by students and researchers from around the world and is funded in part by the National Science Foundation and the National Institute on Drug Abuse of the National Institutes of Health.
customersupport@researchsolutions.com
10624 S. Eastern Ave., Ste. A-614
Henderson, NV 89052, USA
This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.
Copyright © 2025 scite LLC. All rights reserved.
Made with 💙 for researchers
Part of the Research Solutions Family.