Cet article tente de faire la synthèse des évolutions majeures qui touchent les travaux relatifs aux structures familiales depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à la fin du xix e siècle. Il tente de montrer comment cette historiographie, qui s’est d’abord attachée à cartographier les systèmes d’organisation familiale et d’héritage est, depuis une trentaine d’années, plus attentive, à la fois à l’analyse des évolutions diachroniques de ces systèmes et aux dynamiques de la reproduction sociale. L’article examine également les tensions qui traversent cette historiographie entre études de cas et approches monographiques d’une part, et volonté de proposer des modèles généraux d’explication d’autre part.
Dans une économie agricole, la transmission du patrimoine foncier semble a priori être un élément essentiel de la reproduction sociale et familiale. En utilisant les registres de mutation par décès de Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine) de 1856 qui indiquent le montant des fortunes des défunts et le nom de leurs héritiers, cet article essaie de mesurer précisément le rôle de l’héritage sur la reproduction sociale dans une région qui a encore une forte fécondité au xixe siècle. L’analyse des données bretonnes (que nous comparons aux données normandes) révèle que le problème de la transmission doit être relativisé car beaucoup d’individus restent célibataires, ce qui diminue l’impact de la forte fécondité des Bretonnes. En outre, l’impact de l’héritage sur la reproduction sociale est aussi atténué en fonction de l’âge des parents quand il meurt : les pères et les mères qui meurent jeunes ou très vieux (plus de 70 ans) ont en effet des fortunes moins importantes. Enfin l’article pose la question des stratégies de transmission chez les individus qui réduisent volontairement leur descendance.
Résumé Le partage des ressources peut susciter des tensions entre les intérêts du couple et ceux de leur parenté respective et surtout du lignage, particulièrement pour la femme. Quand les parents dotent leur fille, ils réduisent d’autant leur propre fortune et la future situation de leurs fils. C’est pourquoi la coutume de Normandie prévoit l’exclusion des filles dotées de l’héritage des biens-fonds, afin de préserver les intérêts de la ligne masculine à posséder la terre, un bien essentiel dans une société rurale préindustrielle. En étudiant le système dotal normand, cet article a pour but d’interroger la tension, voire les conflits, qui existent entre les intérêts des filles et des jeunes couples qu’elles forment avec leur mari, et ceux de leur famille et de leur lignée masculine. Pour ce faire, nous analysons un ensemble de contrats de mariage dans deux régions normandes (la première regroupe Vernon et ses environs, près de Paris ; la seconde est la région de Pont-L’Évêque, à l’intérieur de la Normandie), avant et après la Révolution, car les règles de l’héritage changent avec la mise en place du Code civil – les filles héritant dorénavant à part égale. Ainsi nous cherchons à comprendre si l’objectif principal du contrat de mariage est de protéger les intérêts patrimoniaux de la famille des mariés et de prévenir la dispersion des biens, comme le laissent entendre les commentateurs de la coutume. Il semble finalement que les Normands ne cherchent pas à contourner la nouvelle loi pour préserver d’anciennes pratiques, mais qu’ils acceptent facilement le principe du mariage sous le régime de la communauté et qu’ils sont plus attentifs aux conditions de vie du conjoint qu’aux intérêts de leur parenté.
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