Le local est-il durable ? Ainsi pourrait être résumé le questionnement de ce dossier thématique « Écologisation des pratiques et territorialisation des activités ». La question peut surprendre tant l'un et l'autre sont aujourd'hui socialement valorisés, voire confondus. En effet, depuis les années 1990, différentes politiques françaises mettent en avant la vertu écologique du « local » ou du « territorial » -sans d'ailleurs toujours distinguer clairement ces deux notions. Une même idée les sous-tend, soulignent Vincent Banos et ses coauteurs (2020), en s'appuyant sur Theys (2002) et Girard ( 2014) : « La territorialisation permettrait d'améliorer l'efficience des politiques environnementales en les ajustant aux spécificités locales. » Les exemples récents abondent. Dans le domaine agri-alimentaire, plusieurs programmes et outils incitatifs promeuvent une alimentation territorialisée ou encore une reterritorialisation de la production agricole (Programme national pour l'alimentation). Par ailleurs, de façon à réduire les dommages à l'environnement, qui se produisent notamment à travers les changements climatiques, un des leviers de l'action publique vise à diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans les domaines des transports et de l'énergie, en particulier en encourageant les filières courtes (agriculture de proximité, agriculture urbaine, production locale d'énergies renouvelables…). L'agro-écologie mise à l'agenda du ministère de l'Agriculture depuis 2012 et la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (2015)via l'appel à projets « Territoires à énergie positive pour la croissance verte » -ont récemment conforté ces orientations. Cette vertu écologique du « local » se lit également dans des normes de management comme la « Responsabilité sociétale des entreprises » (Marsat et al., 2014) ou la méthode Idea pour Écologisation des pratiques et territorialisation des activités : une introdu...
Les services environnementaux rendus par les agriculteurs à la collectivité sont de mieux en mieux reconnus et encouragés par la politique agricole française. En ce qui concerne le paysage, une enquête menée sur deux territoires de moyenne montagne montre que, même si la plupart des éleveurs ne partagent pas la conception du paysage véhiculée par les actions publiques, les uns participent volontiers à ces dernières tandis que les autres ne le font qu’exceptionnellement. L’analyse de la pensée technique de ces producteurs, associée à la conceptualisation du service paysager proposée en économie de l’environnement, permet d’identifier leurs raisons, et rend cette divergence compréhensible. Elle conduit cependant à discuter la notion d’intentionnalité pour lui préférer celle d’engagement, et révèle une tension majeure entre la régulation du paysage agricole régie par des collectifs locaux et celle du service environnemental gouvernée par les autorités publiques.
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