Le processus de néolithisation des Pyrénées orientales constitue un phénomène difficile à cerner dans lequel sont intervenues diverses variables. Par ailleurs, des problèmes comme la complexité des stratigraphies, le manque de datations fiables et l’étude inégale des différents sites et des matériaux archéologiques, rendent la lecture de ce processus plus ardue. Dans cette étude, nous analyserons les données relatives au Néolithique ancien cardial et épicardial du point de vue des indicateurs de l’occupation du milieu, des données radiocarbone et des assemblages céramiques et lithiques disponibles pour cette période. En ce qui concerne les données paléoenvironnementales, quelques séries polliniques montrent la présence de taxons liés au recul des forets (Genista, Ranunculaceae, Poaceae, etc.). Des macro-charbons pourraient indiquer des incendies de défrichement autour de 6500 cal. BC. Ceci semble étonnant étant donné l’absence presque totale de gisements appartenant au Mésolithique récent. Par contre, vers 5500 cal. BC, avec la prolifération de gisements pleinement néolithiques, il est constaté la présence importante de taxons liés à une anthropisation plus évidente (Cerealia, Urtica, Plantago lanceolata). Ce phénomène devient plus important au fur et à mesure de l’avancement du Néolithique ancien. Les séries céramiques montrent pendant les premières phases néolithiques une certaine homogénéité dans les caractéristiques du Cardial francoibérique, aussi bien pour les formes des vases que pour leurs décors, avec quelques exceptions. À partir de ca 5250 cal. BC, il semble que l’on peut observer deux ensembles céramiques différents dans leurs formes et décors dans des zones géographiques apparemment distinctes. D’un coté, en Languedoc occidental et dans le bassin du Sègre, un Cardial final où sont abondantes les céramiques imprimées avec une présence sporadique de décoration cardiale stricto sensu et des décorations cannelées ou inciséeimprimées. D’un autre coté, en Languedoc oriental, en basse Provence et dans la zone littorale catalane, des ensembles avec vases de plus grande taille et décorations baroques de cordons lisses orthogonaux et de pastilles sont abondants. Cette répartition géographique souffre quelques exceptions, comme la présence d’importants ensembles de céramique incisée-imprimée à Riera Masarac ou la présence de vases avec des cordons en formations orthogonales à la grotte du Parco ou à Chaves par exemple. L’industrie lithique de cette période montre aussi quelques particularités plutôt courantes dans d’autres phases préhistoriques. On constate la présence de beaucoup d’éléments du fonds commun, comme les encoches, les denticulés et les racloirs, nombre d’entre eux étant façonnés avec des matières premières d’origine locale ou proche (le plus souvent de mauvaise qualité). Les procédés de débitage sont orientés vers l’obtention d’éclats plutôt allongés, généralement utilisés pour obtenir les outillages de base décrits ci-dessus. Le débitage laminaire est présent dans presque tous les gisements mais avec des pourcentages très variés. La présence de géométriques constitue un point problématique dans cette étude, car au nord des Pyrénées on trouve les types Jean Cros et Montclus assez représentatifs du Néolithique cardial, tandis qu’au sud, seul le type Bétey (double biseau) est documenté de façon relativement importante durant cette phase. Ce type est à mettre en relation en France avec les phases avancées du Cardial final ou de l’Épicardial. Ces données permettent de mettre en évidence une première étape du processus de néolithisation qui a été plus ou moins uniforme entre 5600 cal. BC et 5300 cal. BC (2σ), caractérisée par des vestiges cardiaux dans les zones côtières et surtout dans les bassins fluviaux intérieurs. À partir de 5300 cal. BC, les groupes du Cardial final-Épicardial ancien et surtout ceux de l’Épicardial récent se caractérisent par une diversification qui affecte surtout les matériaux céramiques et que l’on relève dans différentes zones géographiques. Ce phénomène amène à proposer l’hypothèse d’une première régionalisation qui sera définitivement établie avec les groupes postcardiaux de Molinot et Montboló, vers 4500 cal. BC.