Cet article s’intéresse à un lieu célèbre de la mémoire de l’esclavage, la Maison des esclaves sur l’île de Gorée au Sénégal. Il existe plusieurs travaux sur une représentation globalisée de la traite atlantique mais se concentrer sur un tel espace permet de comprendre comment cette mémoire historique est liée à certaines émotions. Dans une première partie, grâce à plusieurs observations ethnographiques, l’article souligne comment certains dispositifs architecturaux de la Maison sont mis en scène. Dans une seconde partie, on montre que la mise en récit d’une telle mémoire de l’esclavage doit se comprendre à travers une histoire de ces représentations à une autre échelle : UNESCO, politiques nationales sénégalaises de patrimonialisation, visites de personnalités. Finalement, l’hypothèse principale développée est que le discours qui se déploie dans la Maison des esclaves peut fonctionner car il met l’accent sur les souffrances des populations africaines réduites en esclavage bien plus que sur la responsabilité des esclavagistes.
En avril 1960, le Sénégal accède à l’indépendance. Les années qui suivent sont l’occasion de cerner comment, au sein d’un État-nation nouvellement indépendant, certains symboles historiques sont mobilisés. Cet article prend pour objet deux « lieux de mémoire » qui sont investis, contestés, promus ou niés : la figure de Lat-Dior et le massacre de Thiaroye. Lat-Dior est considéré comme le dernier résistant à la colonisation du Sénégal, il meurt en 1886 à la bataille de Dekkheulé. Le massacre de Thiaroye se déroule, quant à lui, en 1944 au camp militaire de Thiaroye, à proximité de Dakar, et concerne des tirailleurs sénégalais de retour d’Europe qui furent tués par l’armée française, simplement pour avoir demandé les soldes et les primes qui leur revenaient. L’analyse comparée de ces deux mémoires historiques permet de mieux cerner comment, dans un cadre politique constitué par la nation nouvellement souveraine, certains groupes usent de stratégies pour construire un certain rapport à un passé, passé jugé comme collectif. Avec ces deux mémoires portées par deux groupes différents et opposés, et dans une séquence historique limitée, se dessinent des référents qui, probablement, influencent les perceptions identitaires que se font les acteurs sénégalais de « leur » communauté nationale.
This article is an attempt to reconsider the representations that, in Senegal in the 2000s, linked the social history of the tirailleurs (African colonial soldiers) with the practical and symbolic processes at the heart of a number of migratory projects, especially among young people. The history of this social military body was rooted in almost a century of colonial domination, from 1857 to 1962. The tirailleurs played a part in all the battles of the French army and generated different kinds of social imaginaries that were woven between France and Africa. In the late 1950s, another figure, another ideal type, became established in the Senegalese public space: the migrant. After tracing the history of the way in which these two figures were constructed, I trace how, more recently, the younger generation has been able to mobilize the dominant memory of the tirailleur in its own aspirations of exile. Some preliminary methodological proposals will be needed to account for these migratory imaginaries.
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