L’article présenté ici participe des travaux sur les processus de climatisation et de déclimatisation des politiques publiques, notamment dans le secteur agricole européen. Notre étude montre que la mise en œuvre de la politique agricole commune favorise les marges de manœuvre des acteurs sectoriels locaux, ce qui augmente leur autonomie. Dans la filière banane en Guadeloupe, ces marges de manœuvre donnent lieu à une réinterprétation en défaveur de la prise en charge du changement climatique. Quatre variables concourent à ce processus de déclimatisation par le bas : une mise en œuvre multi-niveaux organisant une définition au local du contenu des instruments programmatiques européens ; une gouvernance polycentrique locale catalysée par la filière banane ; un agenda environnemental cadré sur la lutte contre les produits phytopharmaceutiques et enfin des arrangements locaux fabriqués pour soutenir la compétitivité de la filière. L’article contribue au numéro spécial en décryptant ce que la mise en œuvre sur un territoire et par un secteur produit sur une politique européenne climatisée. Il montre ainsi que l’appel à programmer le changement ne suffit pas à le générer mais qu’il favorise la résistance des acteurs et la « lutte » des problèmes et leur hiérarchisation. Enfin, l’article contribue à la normalisation de l’étude de l’objet climat. Fondé sur une méthodologie qualitative et une enquête de terrain conduite en Guadeloupe, l’article met ainsi en lumière une déclimatisation de la politique agricole à travers le cas de la filière banane. Cette déclimatisation est rendue possible, tout d’abord, parce que le cadrage de l’agenda politique local marginalise l’intégration du changement climatique dans la programmation de la politique agricole et ce, au profit d’une labélisation en termes de transition agroécologique compétitive définie depuis la filière. Ensuite, le contenu technique des instruments climatisés reste dépendant des barrières sectorielles, ici relégitimées au prisme des vulnérabilités locales et des pratiques agricoles existantes. En effet, nous montrons que la mise en relation entre l’agenda politique local et la mise en œuvre des instruments programmatiques est dépendante d’une action collective fortement structurée par la filière. L’enjeu est de faire des instruments européens climatisés les leviers de la transition agroécologique de la filière. Enfin, cela a été rendu possible car l’association représentant la filière a pallié auprès de ses membres les dysfonctionnements de l’État territorial, alors contraint de travailler étroitement avec celle-ci. L’analyse conclut sur la mise en évidence d’un processus de capture associant acteurs publics et la filière.