Si la « climatisation » permet de souligner la force d’attraction de la question climatique sur les agendas, il convient de rappeler qu’il s’agit avant tout d’un processus politique. La climatisation des politiques publiques doit être par conséquent mise en question dans ses jeux d’acteurs, leurs intérêts, leurs conflits et coopération, pour résister ou fabriquer le changement dans l’action publique. Plus encore, il s’agit de normaliser son étude en s’appuyant sur les outils éprouvés par la sociologie de l’action publique plutôt que d’isoler l’objet dans des conceptualisations singulières. En effet, jusqu’ici, ce néologisme a souvent conduit la recherche à développer des approches normatives pour climatiser les politiques publiques autour d’un problème complexe et transversal. Certes, théoriquement, le problème du changement climatique est bien un « super wicked problem » mais, dans les faits, ce numéro spécial dédié « aux climatisations différenciées » analyse les processus politiques par lesquels le changement climatique connaît une mise en politique « normale ». Après avoir analysé les obstacles à la mise en politique du problème climatique en résumant la recherche existante sur ce point, cette introduction expose les différents concepts et approches théoriques en sociologie de l’action publique qui contribuent à éclairer des processus d’intégration de problématisations nouvelles sur l’agenda politique. Enfin, en présentant les articles qui composent ce numéro spécial, nous montrons que ceux-ci partagent un triple constat. Tout d’abord, sur le temps long, aucun acteur ne peut plus ignorer la variable climatique devenue une norme de l’action publique. Ensuite, la climatisation n’est ni homogène, ni univoque. Enfin, ce processus n’est pas forcément suivi d’effets sur les pratiques, les ressources et les intérêts des acteurs. Au total, les contributions présentées ici montrent que, au-delà des rhétoriques politiques, du point de vue de l’action publique contemporaine, le changement climatique n’est qu’un enjeu parmi d’autres et que, par conséquent, les acteurs qui le portent comme problème public doivent encore « lutter » pour s’imposer.