L’agronome, le forestier et l’urbaniste de la Révolution tranquille

Abstract

La Révolution tranquille renouvelle le personnage de l’« expert », du détenteur d’un savoir non partagé, à qui est attribué un pouvoir croissant. Or, les politiques du territoire contribuent largement, au début des années 1970, au débat public sur le rôle social de l’expertise, dont les divers visages sont alors en construction. L’étude d’un épisode méconnu mais important de ce débat, la Commission parlementaire spéciale sur les professions tenue en 1972, témoigne des définitions de l’expert que proposent alors les associations professionnelles intéressées à l’aménagement du territoire. Ce coup de sonde offre des balises provisoires mais utiles tant à l’historiographie du territoire qu’à une future histoire de l’expertise au Québec, dont les débats sur l’aménagement de l’espace constituent un jalon important.

Les géographes du Québec et la question professionnelle : essai d'interprétation sociohistorique, 1945–2000

“…La « frontière juridique » entre la compétence professionnelle et la prétention à la compétence se compare à la frontière du Labrador avec toutefois plus de pressions osmotiques de l'extérieur. (Comtois, 1968, p. 7) Le maintien de ce thème dans les différents organes de discussion des géographes du Québec peut également s'expliquer d'un point de vue externe, c'est-à-dire en tenant compte de l'importance grandissante du rôle de l'expert dans la construction d'un État technocratique (Pâquet et Savard, 2021;Prud'homme, 2015;Rocher, 2011) (Deshaies et Yergeau, 1978).…”

“…Destinés à « susciter des efforts de rationalisation de l'enseignement de la géographie dans les universités du Canada à partir d'une connaissance solide des secteurs où les géographes ont réussi à se tailler une place » (Paquette, 1973a, p. 1), les résultats furent diffusés par l'entremise d'articles publiés dans Le Géographe canadien et dans le Bulletin de l'Association des géographes du Québec (Paquette, 1973a(Paquette, , 1973b, ainsi que par la production de synthèses mettant à profit les résultats obtenus pour le Québec (Lavoie, 1973(Lavoie, , 1974. Effectuée auprès de 34 départements de géographie à travers le pays, dont cinq localisés au Québec, l'enquête a mené au constat quant à la prépondérance du secteur de l'enseignementqui se fait « de plus en plus étroit » pour les diplômésvis-à-vis des secteurs publics et privés où, de manière générale, moins d'un géographe canadien sur (Duclos, 2019;Prud'homme, 2012Prud'homme, , 2015. En plus d'entériner la création de l'Office des professions du Québec, cette réforme avait comme objectif de préciser la mission des corporations professionnelles, c'est-à-dire d'en faire des organisations devant d'abord assurer la protection du public dans le cadre de l'exercice de fonctions professionnelles plutôt que des regroupements légalement reconnus protégeant les intérêts économiques et sociaux de leurs membres.…”

“…Le maintien de ce thème dans les différents organes de discussion des géographes du Québec peut également s'expliquer d'un point de vue externe, c'est‐à‐dire en tenant compte de l'importance grandissante du rôle de l'expert dans la construction d'un État technocratique (Pâquet et Savard, 2021; Prud'homme, 2015; Rocher, 2011) et, plus spécifiquement, dans les débats entourant les différents plans d'aménagement du territoire québécois entre 1965 et 1975, que l'on pense aux contentieux entourant la mise en valeur des chutes Churchill, aux travaux de la Commission Dorion sur l'intégrité du territoire québécois, aux enquêtes menées par le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec (BAEQ) ou encore aux plans de développement de la Baie James. Dans le cadre de commissions parlementaires tenues au début des années 1970, plusieurs regroupements professionnels, parmi lesquels les géographes brillent par leur absence, se disputent alors le « statut d'expert privilégié en matière d'aménagement du territoire rural et forestier » (Prud'homme, 2015, p. 356).…”

“…Malgré ce consensus relatif, les auteurs du rapport procèdent à une analyse de la situation au regard des plus récentes réformes du Code des professions du Québec, plus précisément celle du 1 er février 1974, découlant directement des recommandations formulées dans le cadre de la Commission d'enquête sur la santé et le bien‐être social (CESBES), communément appelée Commission Castonguay‐Nepveu et dont les travaux se sont échelonnés de 1967 à 1972 (Duclos, 2019; Prud'homme, 2012, 2015). En plus d'entériner la création de l'Office des professions du Québec, cette réforme avait comme objectif de préciser la mission des corporations professionnelles, c'est‐à‐dire d'en faire des organisations devant d'abord assurer la protection du public dans le cadre de l'exercice de fonctions professionnelles plutôt que des regroupements légalement reconnus protégeant les intérêts économiques et sociaux de leurs membres.…”